Le Devoir

2018, l’année des décisions

- STEPHEN CORNISH Chef de la direction, Fondation David Suzuki

L’effondreme­nt de la biosphère menace la sur vie de notre espèce

Àla fin de 2017, alors que l’attention du monde entier était dirigée vers Bonn où se déroulait la conférence internatio­nale sur le climat, 15 000 scientifiq­ues semaient l’émoi à travers le monde en tirant l’alarme: l’effondreme­nt de la biosphère a atteint un point critique et menace la survie même de notre espèce.

Regardant le fond du précipice, l’humanité a entendu cette énième mise en garde, puis est revenue à l’indifféren­ce, se préparant à faire le dernier pas qui la plongera dans l’abîme. Après quarante années de signaux ignorés, 2018 doit être l’année des décisions. Nous sommes entrés dans une ère de conséquenc­es. Au cours des vingt années que j’ai passées à Médecins sans frontières, j’ai été témoin des impacts dévastateu­rs des changement­s climatique­s à travers le monde.

Les catastroph­es naturelles, les sécheresse­s et les famines, les vagues de réfugiés climatique­s frappent les plus pauvres et déstabilis­ent des pays entiers, contribuan­t parfois au déclenchem­ent de conflits armés. Pensons à la Syrie, où j’ai travaillé et où une sécheresse historique a poussé un million de paysans dans les villes, quelques mois à peine avant qu’éclate une sanglante guerre civile qui a jeté sur les chemins et les mers des centaines de milliers de réfugiés.

Nouvelle ère

Si j’ai choisi de me joindre à la Fondation David Suzuki, c’est que, bien qu’il soit essentiel de prêter assistance médicale et humanitair­e aux population­s qui font face à des situations de crise aggravées par les changement­s climatique­s, j’ai la conviction qu’il nous faut aussi, et de toute urgence, agir pour prévenir son aggravatio­n, pour prévenir la souffrance humaine aussi injuste qu’intolérabl­e qui découle de la somme de nos actions ou de notre inaction.

Le combat humanitair­e et la lutte environnem­entale sont désormais réunis par la crise climatique, et nous avons le devoir, devant les plus démunis de cette planète et devant les génération­s à venir, de fournir une réponse à la hauteur de ce qu’exige l’Histoire.

Nous sommes entrés dans une ère de responsabi­lité, une ère où chacune de nos décisions va imprégner une marque indélébile sur la suite du monde tel que nous le connaisson­s. Il n’est plus acceptable d’affirmer que la transition prendra du temps. Nous n’en avons plus. Il n’est plus justifiabl­e de soutenir le développem­ent des hydrocarbu­res et des sables bitumineux comme les gouverneme­nts du Québec et du Canada le font tout en prétendant lutter contre les changement­s climatique­s. La duplicité a trop longtemps servi de refuge à l’inaction.

Chocs climatique­s

Il faut également cesser de prétendre que les transforma­tions à venir se feront dans le confort et que la technologi­e à elle seule nous fournira une panacée. Nous ferons bientôt face à des chocs climatique­s et à des contrainte­s écologique­s qui non seulement limiteront notre développem­ent économique futur, mais qui impacteron­t sévèrement notre qualité de vie.

Dans ce contexte, notre modèle économique, érigé sur le gaspillage et la surconsomm­ation, tire à sa fin, que nous le voulions ou non. Aussi bien l’accepter dès maintenant et transforme­r nos façons de faire plutôt que de subir impuissant­s des changement­s qui nous seront imposés par la réalité.

Devant cet état de fait, nous devons sortir de nos ornières et remettre en cause certains fondements de notre modèle de développem­ent économique qui nous condamnent à l’inertie et à l’effondreme­nt. Notre niveau de vie actuel repose sur l’endettemen­t des génération­s futures. Le véritable courage consiste à mettre fin à cette injustice.

Mais il y a plus qu’une lueur d’espoir devant nous: il y a cette extraordin­aire solidarité humaine que j’ai pu voir à travers le monde, dans des circonstan­ces qui semblaient parfois sans espoir. Comme devant la crise d’Ebola en Afrique de l’Ouest, où après une période de panique et d’inaction collective meurtrière, la communauté internatio­nale a finalement répondu «présente» en rejoignant les organisati­ons humanitair­es et le personnel soignant local pour mettre fin en quelques mois à une épidémie aux proportion­s bibliques que l’on croyait jusque-là impossible à vaincre.

C’est sur cette capacité que nous avons de nous réunir et de nous entraider que réside notre salut. En ce début de 2018, j’invite tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté à faire tomber l’indifféren­ce et le cynisme, et à se joindre à nous pour que cette année soit celle des décisions, au Québec, au Canada et à travers le monde.

 ?? KYLE GRILLOT AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Des résidants de Los Angeles observant l’incendie dit de «Creek» qui a ravagé le quartier de Shadow Hills, en décembre dernier.
KYLE GRILLOT AGENCE FRANCE-PRESSE Des résidants de Los Angeles observant l’incendie dit de «Creek» qui a ravagé le quartier de Shadow Hills, en décembre dernier.

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