2018, l’année des décisions
L’effondrement de la biosphère menace la sur vie de notre espèce
Àla fin de 2017, alors que l’attention du monde entier était dirigée vers Bonn où se déroulait la conférence internationale sur le climat, 15 000 scientifiques semaient l’émoi à travers le monde en tirant l’alarme: l’effondrement de la biosphère a atteint un point critique et menace la survie même de notre espèce.
Regardant le fond du précipice, l’humanité a entendu cette énième mise en garde, puis est revenue à l’indifférence, se préparant à faire le dernier pas qui la plongera dans l’abîme. Après quarante années de signaux ignorés, 2018 doit être l’année des décisions. Nous sommes entrés dans une ère de conséquences. Au cours des vingt années que j’ai passées à Médecins sans frontières, j’ai été témoin des impacts dévastateurs des changements climatiques à travers le monde.
Les catastrophes naturelles, les sécheresses et les famines, les vagues de réfugiés climatiques frappent les plus pauvres et déstabilisent des pays entiers, contribuant parfois au déclenchement de conflits armés. Pensons à la Syrie, où j’ai travaillé et où une sécheresse historique a poussé un million de paysans dans les villes, quelques mois à peine avant qu’éclate une sanglante guerre civile qui a jeté sur les chemins et les mers des centaines de milliers de réfugiés.
Nouvelle ère
Si j’ai choisi de me joindre à la Fondation David Suzuki, c’est que, bien qu’il soit essentiel de prêter assistance médicale et humanitaire aux populations qui font face à des situations de crise aggravées par les changements climatiques, j’ai la conviction qu’il nous faut aussi, et de toute urgence, agir pour prévenir son aggravation, pour prévenir la souffrance humaine aussi injuste qu’intolérable qui découle de la somme de nos actions ou de notre inaction.
Le combat humanitaire et la lutte environnementale sont désormais réunis par la crise climatique, et nous avons le devoir, devant les plus démunis de cette planète et devant les générations à venir, de fournir une réponse à la hauteur de ce qu’exige l’Histoire.
Nous sommes entrés dans une ère de responsabilité, une ère où chacune de nos décisions va imprégner une marque indélébile sur la suite du monde tel que nous le connaissons. Il n’est plus acceptable d’affirmer que la transition prendra du temps. Nous n’en avons plus. Il n’est plus justifiable de soutenir le développement des hydrocarbures et des sables bitumineux comme les gouvernements du Québec et du Canada le font tout en prétendant lutter contre les changements climatiques. La duplicité a trop longtemps servi de refuge à l’inaction.
Chocs climatiques
Il faut également cesser de prétendre que les transformations à venir se feront dans le confort et que la technologie à elle seule nous fournira une panacée. Nous ferons bientôt face à des chocs climatiques et à des contraintes écologiques qui non seulement limiteront notre développement économique futur, mais qui impacteront sévèrement notre qualité de vie.
Dans ce contexte, notre modèle économique, érigé sur le gaspillage et la surconsommation, tire à sa fin, que nous le voulions ou non. Aussi bien l’accepter dès maintenant et transformer nos façons de faire plutôt que de subir impuissants des changements qui nous seront imposés par la réalité.
Devant cet état de fait, nous devons sortir de nos ornières et remettre en cause certains fondements de notre modèle de développement économique qui nous condamnent à l’inertie et à l’effondrement. Notre niveau de vie actuel repose sur l’endettement des générations futures. Le véritable courage consiste à mettre fin à cette injustice.
Mais il y a plus qu’une lueur d’espoir devant nous: il y a cette extraordinaire solidarité humaine que j’ai pu voir à travers le monde, dans des circonstances qui semblaient parfois sans espoir. Comme devant la crise d’Ebola en Afrique de l’Ouest, où après une période de panique et d’inaction collective meurtrière, la communauté internationale a finalement répondu «présente» en rejoignant les organisations humanitaires et le personnel soignant local pour mettre fin en quelques mois à une épidémie aux proportions bibliques que l’on croyait jusque-là impossible à vaincre.
C’est sur cette capacité que nous avons de nous réunir et de nous entraider que réside notre salut. En ce début de 2018, j’invite tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté à faire tomber l’indifférence et le cynisme, et à se joindre à nous pour que cette année soit celle des décisions, au Québec, au Canada et à travers le monde.