Le Devoir

Les Colocs, par-delà Dédé

Vingt ans après Dehors novembre, son guitariste présente toujours des spectacles sous ce nom

- DOMINIC TARDIF COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

«Les journaux changent de journalist­es souvent. Pourquoi continuent­ils d’utiliser le même nom ? » demande à des fins purement rhétorique­s Mike Sawatzky. Le guitariste présente toujours, chaque été, une poignée de spectacles sous le nom Les Colocs, en compagnie de musiciens associés à l’histoire du groupe (Élage Diouf, Guy Bélanger, Justin Allard).

«Chaque spectacle est une célébratio­n de l’esprit de Dédé et de Pat (Patrick Esposito di Napoli, harmonicis­te décédé en 1994) », assure l’unique Coloc officiel de ces Colocs 2.0. «Le groupe rend hommage à Dédé, à Pat et au public, mais ce n’est pas un groupe hommage. »

Mike Sawatzky évoque ici les propos du frère de Dédé Fortin, Réal, qui, en 2016, le critiquait en des termes à peine voilés en marge d’une conférence de presse du Festival internatio­nal de la chanson de Granby.

«Quand je vois des groupes faire des spectacles en hommage aux Colocs sans y afficher le nom d’André, ça me semble être un manque de respect envers celui sans qui rien n’aurait été possible », déclarait alors à l’Agence QMI celui qui refuse aujourd’hui de revenir sur ses propos de l’époque. Il précise toutefois que Mike Sawatzky peut employer le nom Les Colocs grâce à une licence non exclusive accordée par la famille Fortin, requérant que la publicité de ses spectacles comporte un descriptif clair (Sawatzky emploie le nom «Les Colocs – Les soirées retrouvail­les de Mike Sawatzky »). Les Colocs, un collectif «Pour Dédé, Les Colocs, ce n’était pas que lui. C’était un collectif qui comprenait autant les musiciens que les gens qui faisaient du visuel, que ceux qui faisaient du montage de

Quand je vois des groupes faire des spectacles en hommage aux Colocs sans y afficher le nom d’André, ça me semble être un manque de respect envers celui sans qui rien n’aurait été possible RÉAL FORTIN

scène», se souvient pour sa part André Vanderbies­t, bassiste des Colocs période Dehors novembre, qui cosigne la musique de Tassez-vous de d’là.

«Pendant des années, j’en ai pas parlé du tout, des Colocs, pour ne pas donner l’impression de vouloir faire du millage sur l’héritage du groupe. Mais il m’arrive aussi, des fois, de souhaiter que les gens en sachent davantage sur l’impact réel de mon travail. Dehors novembre, je connais toutes les virgules, toutes les respiratio­ns de cet album-là. Est-ce que ça intéresse les gens de le savoir?»

Le sort des musiciens au Québec leur permet rarement de cracher sur une occasion de payer le loyer à temps, signale Vanderbies­t sur un ton plus pragmatiqu­e qu’amer. «Dès que je participe à un projet lié aux Colocs, il y a des gens qui disent: “T’en profites!” J’imagine qu’ils ne diraient pas la même chose s’ils savaient que j’ai passé l’année dernière à flipper des burgers à 12$ de l’heure.»

Après avoir offert une série de spectacles avec Mike Sawatzky pour célébrer le 20e anniversai­re des Colocs, le bassiste faisait néanmoins le choix de les quitter. « Mais je ne suis pas contre le fait que Mike joue sous le nom Les Colocs, non, parce que ça fait plaisir à ben, ben du monde. Ce n’est pas à ça que ça sert, la musique, bordel ? »

«J’ai déjà rencontré le guitariste de Bob Marley, Junior Marvin», conclut le reggaeman d’origine belge, aujourd’hui installé en Gaspésie. «Je lui ai demandé: “Toi, man, ça fait 30 ans que Marley est mort et tu roules encore avec ses chansons. Pourquoi?” Il m’avait répondu: “Parce que j’ai eu la chance de côtoyer un gars dont la musique a fait plus de bien que le travail de toutes les religions du monde.” »

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