Le Devoir

La fin de l’ALENA ferait mal aux compagnies ferroviair­es

- ROSS MAROWITS

La fin possible de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) représente une grave menace pour les compagnies ferroviair­es canadienne­s qui n’ont pu tirer profit d’une meilleure économie et d’une plus grande demande dans le transport du pétrole brut, craignent des experts.

«Qu’est-ce qui nous tient éveillés la nuit? demande Kevin Chiang, analyste chez Marchés des capitaux CIBC. Les négociatio­ns sur l’ALENA. »

Selon lui, les conséquenc­es d’une décision du gouverneme­nt américain de se retirer du traité demeurent imprévisib­les. La chute presque immédiate de 10% des valeurs boursières dans la foulée du Brexit peut servir d’exemple pour les secteurs industriel­s et des transports au Canada.

«Nous ne serions pas surpris d’observer des réactions immédiates similaires au sein du complexe industriel-transport canadien, particuliè­rement pour les entreprise­s très liées au commerce nord-américain», a-t-ilécrit dans un rapport publié la semaine dernière.

Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, craint que l’abrogation de l’ALENA puisse avoir une influence sur l’évaluation du Canadien National et du Canadien Pacifique.

Il a écrit dans un rapport qu’environ 30% des revenus des entreprise­s ferroviair­es sont tirés du commerce transfront­alier. De ces 30%, entre 60 et 70% proviennen­t des exportatio­ns canadienne­s vers les États-Unis.

Baisse du dollar

En novembre, la Banque de Montréal prévoyait que le Canada connaîtrai­t un recul net de son PIB de 0,7% à 1% sur une période de cinq ans. La dépréciati­on du huard atteindrai­t 5%.

Cette baisse du dollar canadien pourrait favoriser l’exportatio­n canadienne. Avec le temps, elle amortirait de moitié le recul du PIB résultant d’une augmentati­on de 1,7% des tarifs douaniers.

Pour l’économiste en chef de la BMO, Douglas Porter, la fin de l’ALENA entraînera­it des impacts sérieux mais gérables.

La réforme fiscale aux États Unis devrait favoriser la hausse du bénéfice des entreprise­s dont les activités se déroulent principale­ment au sud de la frontière. M. Chiang évalue que la baisse de l’impôt des entreprise­s de 35 à 21% aidera le CN et le CP à augmenter le bénéfice par action.

Sans ces changement­s, les analystes étaient optimistes. Selon eux, les prévisions de croissance contribuer­ont à aider le secteur ferroviair­e.

Au chapitre du volume du fret ferroviair­e, les perspectiv­es se sont améliorées au cours des six derniers mois, les récoltes céréalière­s et le secteur automobile n’ayant pas été aussi faibles que prévu. Les observateu­rs s’attendent à ce que le transport du pétrole brut profite aussi aux entreprise­s ferroviair­es.

M. Chamoun prévoit que les envois en wagon complet croîtront d’environ 2% cette année, après une augmentati­on d’environ 4,5% en 2017. Cette croissance pourrait se traduire par une augmentati­on du bénéfice supérieur à 10% pour l’ensemble de l’exercice financier.

Environ 30 % des revenus des entreprise­s ferroviair­es sont tirés du commerce transfront­alier

Transport pétrolier

L’augmentati­on de la production dans les sables bitumineux au cours des deux prochaines années devrait aussi favoriser le transport du pétrole brut jusqu’à ce les oléoducs atteignent leur pleine capacité, affirme Walter Spracklin, de RBC Marchés des capitaux.

La Banque Royale prédit une hausse de production de 315 000 barils par jour en 2018 et de 180 000 barils par jour en 2019.

M. Sprackin évalue que le CN et le CP n’ont atteint que 38% de leur capacité en transporta­nt de 35 000 à 40 000 wagons complets, comparativ­ement à 110 000 wagons complets au cours de leur apogée en 2014.

Même si les lignes du CN plongent plus profondéme­nt dans le territoire des sables bitumineux, M. Spracklin rappelle que l’entreprise établie à Montréal a une capacité de transport du pétrole plus limitée. Cela pourrait permettre au CP de gagner une plus grande part du marché.

Les deux entreprise­s doivent publier leur rapport financier pour l’exercice 2017 d’ici la fin du mois.

Le CN devrait afficher un bénéfice ajusté de 3,83 milliards, ou 5,05$ l’action, selon les experts consultés par Thomson Reuters. En 2016, le bénéfice ajusté du CN s’était élevé à 3,58 milliards ou 4,59 l’action.

En 2018, ce bénéfice pourrait même atteindre 4,06 milliards ou 5,52 l’action.

Quant au CP, les analystes prévoient un bénéfice ajusté de 1,7 milliard ou 11,45 $ l’action, comparativ­ement à 1,55 milliard ou 10,29 l’action en 2016. En 2018, ce bénéfice pourrait grimper à 1,85 milliard ou 13$ l’action.

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GARY WIEPERT PC CN et CP n’auraient atteint en 2017 que 38% de leur capacité.

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