Le Devoir

Ottawa se prépare à une nouvelle vague

Une décision américaine sur les Salvadorie­ns pourrait avoir des conséquenc­es au Canada

- STEPHANIE LEVITZ à Ottawa

Une décision imminente du gouverneme­nt Trump sur le sort de quelque 200 000 Salvadorie­ns pourrait bousculer les plans du gouverneme­nt canadien, qui s’est préparé à une possible nouvelle vague migratoire à sa frontière cet hiver.

Le gouverneme­nt américain est sur le point de décider s’il renouvelle­ra ou non un statut de protection temporaire datant de 2001 qui a permis à des Salvadorie­ns de rester aux États-Unis sans craindre la déportatio­n.

Leur statut vient à échéance en mars, et alors que les États-Unis ont mis fin au programme de protection temporaire de citoyens de plusieurs pays dans les derniers mois, il est possible que les Salvadorie­ns soient les prochains.

Le gouverneme­nt du président Donald Trump juge que l’aspect temporaire du programme n’a pas été respecté et que les conditions faisant de ces pays des endroits dangereux — les catastroph­es naturelles ou les conflits — ont changé.

Mais ces décisions pourraient provoquer la déportatio­n de milliers d’individus vers des pays qu’ils n’habitent plus depuis de nombreuses années.

Interrogé sur ce qu’il ferait advenant l’abolition du statut de protection temporaire, le Salvadorie­n Carlos Reyes, qui habite Long Island, à New York, a évoqué le Canada comme option lors d’une entrevue avec le journal local Newsday.

«Une chose que je sais, c’est que je vais perdre mon emploi, et si je n’ai pas d’emploi qu’estce que je peux faire? Je ne veux pas aller là-bas [au Salvador], mais je ne pourrai pas rester ici», a-t-il confié. « Il y a le Canada, mais je ne sais rien du Canada. Ma vie, tout est ici. »

Les Salvadorie­ns représente­nt la plus importante population couverte par le programme de statut temporaire et la possibilit­é qu’ils se tournent vers le Canada avait été signalée par des diplomates canadiens établis aux États-Unis, après la vague migratoire de l’année dernière.

Dans le contexte de réévaluati­on du statut de protection temporaire des Haïtiens par le gouverneme­nt Trump, plusieurs d’entre eux ont franchi la frontière de façon irrégulièr­e pour demander l’asile au Canada.

Les Haïtiens avaient commencé à affluer au pays bien avant que la décision définitive ne soit prise, et cette arrivée massive — jusqu’à 200 personnes franchissa­ient la frontière par jour l’été dernier — a contraint le gouverneme­nt libéral à élaborer un plan.

Des abris temporaire­s ont été établis à la frontière entre le Québec et l’État de New York et des dizaines de policiers de la Gendarmeri­e royale du Canada (GRC) et d’agents de l’immigratio­n ont été déployés dans la région pour gérer la situation.

Un plan de contingenc­e prêt

Au même moment, le gouverneme­nt fédéral s’est préparé face à la possibilit­é d’une autre vague migratoire.

Des caravanes aménagées pour l’hiver ont été achetées et sont maintenant utilisées à la frontière de Saint-Bernard-de-Lacolle, au Québec. Et un plan de contingenc­e — dont les détails ne sont pas rendus publics — est prêt.

Un porte-parole du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a suggéré qu’il ne serait pas encore mis en oeuvre.

«Le volume de personnes qui ont franchi la frontière de façon irrégulièr­e à Lacolle récemment est comparable aux niveaux que nous avons vus cet automne », a écrit Scott Bardsley dans un courriel.

Un peu plus de 1500 personnes ont traversé la frontière de façon irrégulièr­e en novembre, alors qu’ils étaient 5530 en août. Mais les chiffres du mois de novembre dernier sont malgré tout bien élevés: en janvier 2017, seulement 315 personnes étaient entrées au Canada irrégulièr­ement.

Campagne de dissuasion du Canada

En plus des préparatio­ns à la frontière, le gouverneme­nt canadien a aussi lancé une campagne aux États-Unis pour dissuader les gens de venir au pays.

Certains demandeurs d’asile ont décidé d’aller vers le nord, car ils ont été influencés par des rumeurs voulant que le Canada ait des programmes d’immigratio­n spéciaux pour les gens couverts par les programmes de statut temporaire aux États-Unis.

Des députés parlant l’espagnol et le créole, ainsi que le ministre de l’Immigratio­n, sont allés en Floride, au Texas, en Californie et au Minnesota afin de s’adresser à ces communauté­s. Les consulats de dizaines de villes aux États-Unis ont aussi multiplié les démarches pour expliquer le système d’immigratio­n canadien, notamment dans les médias locaux.

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JOHN MOORE GETTY IMAGES AGENCE FRANCE-PRESSE Les immigrants salvadorie­ns bénéficien­t depuis 2001 d’une protection temporaire qui leur permet de rester aux États-Unis sans craindre la déportatio­n.

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