Trump, un président pour les pétrolières
Le président américain, Donald Trump, poursuit son oeuvre de démolition des politiques environnementales de son prédécesseur, Barack Obama. Place aux forages le long des littoraux de l’Arctique, du Pacifique et de l’Atlantique.
Dans la dernière ligne droite de son mandat à la présidence des États-Unis, Barack Obama avait réussi à protéger 94% des zones maritimes contre le forage pétrolier et gazier. De concert avec le premier ministre canadien, Justin Trudeau, il avait annoncé un moratoire de cinq ans sur l’octroi de nouveaux permis d’exploration en Arctique. D’un coup de plume, Donald Trump vient de biffer ce legs à la postérité. Dans le communiqué officiel de l’annonce, le gouvernement Trump se vante d’avoir ouvert 90% des zones maritimes américaines à l’exploration, alors qu’elles étaient jusqu’à tout récemment presque complètement épargnées du forage. Le revirement est complet. En matière d’environnement, les États-Unis ont reculé d’une décennie, en appliquant des politiques qui semblent empruntées à l’ancien vice-président pro-pétrolières Dick Cheney.
Concrètement, le secrétaire à l’Intérieur, Ryan Zinke, a annoncé la mise en vente prochaine de 47 permis d’exploitation: 19 le long du littoral de l’Alaska, 7 dans le Pacifique, essentiellement au large de la Californie, 12 dans le golfe du Mexique et 9 dans l’Atlantique, du Maine jusqu’en Floride. Ce plan est à la fois le plus ambitieux et le plus généreux à l’endroit des industries pétrolières et gazières puisqu’elles pourront déterminer elles-mêmes les règles encadrant l’exploitation, selon le principe de l’autorégulation.
En effet, le gouvernement Trump a levé les embûches réglementaires adoptées au lendemain de la pire marée noire de l’histoire des États-Unis, sur venue en 2010, lors de l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon, exploitée par BP dans le golfe du Mexique. Il appartiendra donc aux entreprises, et non à l’État, d’évaluer la sécurité des installations sur les plateformes de forage.
La logique derrière cette politique environnementale dépasse l’entendement. Les États-Unis espèrent établir une «dominance énergétique» en Amérique du Nord en accélérant le forage en mer, dixit M. Zinke. La démarche est tout à fait cohérente du point de vue d’un gouvernement climato-négationniste qui croit par ailleurs en l’avenir du charbon, une énergie fossile dépassée dont même la Chine commence à se distancier. Mais pour quiconque s’inquiète du réchauffement climatique et de ses conséquences sur l’ensemble des espèces vivantes, cette politique rétrograde est inacceptable. Le gouvernement Trump pense faire un pas vers la dominance énergétique? Elle s’enfonce au contraire dans une stratégie de fuite en avant.
Sur la scène internationale, l’ouverture sans contraintes aux forages marins sera perçue comme une nouvelle manifestation de l’isolationnisme américain en matière de lutte contre les changements climatiques, un isolationnisme qui affecte à la fois le prestige et l’influence des États-Unis dans les instances de coopération internationale, fondée sur le multilatéralisme. Sur le front économique, cette politique d’accommodement déraisonnable au bénéfice des industries fossiles retarde un inévitable et nécessaire virage en faveur des énergies renouvelables. Et c’est sans parler des risques environnementaux qui pèsent sur les écosystèmes fragiles des littoraux, dont celui de l’Arctique. Et maintenant, que vaudra le moratoire canadien dans l’Arctique? En cas de catastrophe environnementale, une marée noire ne connaîtra pas de frontières.
Les pêcheries, le tourisme et la vie quotidienne de centaines de millions de citoyens américains ont pesé moins lourd dans la balance que les intérêts de l’industrie pétrolière. Le Sierra Club a mis le doigt sur le malaise, en déclarant que la décision se résume «à une vente des communautés côtières, des eaux américaines et du climat à quelques pollueurs industriels».
Tout n’est pas joué pour autant. Des gouverneurs républicains et démocrates ont manifesté leur inquiétude dans neuf États. Certains États, comme la Californie, traumatisée lors d’un déversement sur les plages près de Santa Barbara, en 1969, ont adopté des lois qui encadrent sévèrement l’industrie pétrolière et qui limitent les possibilités de connecter par des pipelines les plateformes en mer à des installations côtières. Les prix du pétrole (le Brent se vend à moins de 68$ le baril) ne rendent pas l’exploitation en mer très attrayante.
Les plateformes n’apparaîtront pas comme par enchantement à court terme, mais cela ne rend pas le forage marin plus acceptable.