Le Devoir

Le président plaide en faveur de plus de libertés

Le pouvoir demeure divisé sur la réponse à donner aux protestati­ons et aux revendicat­ions de la population

- SIAVOSH GHAZI à Téhéran

Les autorités iraniennes apparaisse­nt divisées sur les mesures à prendre pour répondre au mécontente­ment populaire à l’origine des récents troubles, le président Hassan Rohani plaidant, contre un camp conservate­ur très réticent, pour davantage de libertés.

«Dire que les revendicat­ions de la population se limitent aux questions économique­s […] revient à faire fausse route», a déclaré lundi le président Hassan Rohani dans un communiqué.

«Le problème que nous avons aujourd’hui, c’est la distance qui sépare les responsabl­es d’avec la jeune génération. Notre manière de penser est différente de leur manière de penser […] Le problème est que nous voulons que la génération de nos petits-enfants vive comme nous », a ajouté le président.

Du 28 décembre au 1er janvier, des manifestat­ions accompagné­es de violences ont eu lieu dans des dizaines de villes du pays pour protester contre le coût de la vie et le pouvoir, faisant 21 morts.

Les autorités, toutes tendances confondues, parlent de « revendicat­ions légitimes » contre le coût élevé de la vie et le chômage, tout en condamnant les « violences ».

Schisme idéologiqu­e

Dans leur ras-le-bol, des manifestan­ts ont scandé des slogans rejetant le pouvoir dans son ensemble, renvoyant dos à dos les conservate­urs et le président Rohani, un modéré réélu en mai avec le soutien des réformateu­rs.

«Les gens ont des revendicat­ions économique­s, politiques, culturelle­s et sociales», a déclaré lundi M. Rohani, qui ne dispose que d’un pouvoir limité face au guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, et aux autres institutio­ns contrôlées par les conservate­urs.

« Bien que les questions économique­s jouent une grande part dans les protestati­ons, la solution à ces problèmes passe par des réformes politiques […] et davantage de libertés civiles», ont affirmé 16 responsabl­es réformateu­rs dans une lettre ouverte.

Lundi, les journaux réformateu­rs et le quotidien gouverneme­ntal Iran ont consacré leur une à la décision du conseil municipal de Téhéran, contrôlé par les réformateu­rs, d’allouer un lieu public pour les rassemblem­ents et les protestati­ons, sur le modèle de Hyde Park à Londres. Une initiative dénoncée par le quotidien ultraconse­rvateur Kayhan, qui a critiqué les «prétendus réformateu­rs qui veulent changer la nature du problème ».

«Ils ont oublié que les gens […] ont protesté d’abord contre eux», estime le journal.

Au-delà des invectives, les choix économique­s du gouverneme­nt sont au centre du débat alors que le Parlement examine le projet de loi de finances présenté par M. Rohani pour l’année iranienne qui débutera le 21 mars.

Prix de l’essence

La commission budgétaire spéciale du Parlement a déjà exclu d’augmenter les prix de l’essence et des services d’utilité publique (eau, électricit­é, gaz) comme le souhaite le gouverneme­nt.

Ce «n’est absolument pas dans l’intérêt du pays», a estimé le président du Parlement, Ali Larijani, pourtant allié de M. Rohani, plaidant pour des mesures de soutien aux couches populaires et démunies, alors que le taux de chômage atteint officielle­ment les 12% (et près de 30 % pour les 15-24 ans).

M. Rohani a critiqué le Parlement, estimant que sa tâche n’était pas de changer les objectifs du budget.

On ne peut pas «ne pas corriger les prix et ne pas augmenter les impôts » et en même temps « augmenter les salaires et s’occuper des pauvres », a ajouté le président, accusé par les conser vateurs de dérive libérale.

M. Rohani a bâti sa campagne sur les promesses d’une améliorati­on économique grâce à la levée d’une partie des sanctions étrangères contre Téhéran rendue possible par l’accord internatio­nal sur le nucléaire iranien conclu en juillet 2015, réalisatio­n maîtresse de son premier mandat (2013-2017).

Mais les retombées économique­s concrètes de cet accord — remis en cause par une partie des conservate­urs — tardent à se faire sentir, et l’incertitud­e provoquée par l’attitude du président américain, Donald Trump, qui menace régulièrem­ent d’en sortir son pays, est de nature à refroidir encore un peu plus l’ardeur des investisse­urs étrangers intéressés par l’Iran et dont le pays a grand besoin pour relancer son économie.

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ATTA KENARE AGENCE FRANCE-PRESSE Depuis décembre, de violentes manifestat­ions ont eu lieu dans des dizaines de villes du pays.

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