Le Devoir

La protection des milieux naturels a raison de la partisaner­ie

Plus d’une centaine d’élus fédéraux du gouverneme­nt et de l’opposition réclament des investisse­ments de 1,4 milliard

- ALEXANDRE SHIELDS

Plus d’une centaine de députés issus de tous les partis politiques fédéraux représenté­s aux Communes demandent au gouverneme­nt Trudeau d’annoncer dans son prochain budget des investisse­ments de 1,4 milliard sur trois ans pour accroître la protection des milieux naturels terrestres et maritimes, a appris Le Devoir. Selon eux, ces investisse­ments sans précédent sont nécessaire­s pour la conservati­on d’écosystème­s «essentiels à notre survie».

Dans une lettre envoyée lundi au ministre des Finances, Bill Morneau, et dont Le Devoir a obtenu copie, 105 députés et 11 sénateurs plaident en faveur de «mesures historique­s pour élargir et renforcer le réseau d’aires protégées du Canada ».

Leur «propositio­n révolution­naire» s’appuie essentiell­ement sur des investisse­ments de 1,4 milliard de dollars dans le cadre du budget 2018 du gouverneme­nt de Justin Trudeau. À titre de comparaiso­n, les libéraux fédéraux avaient inscrit une somme de 81,3 millions dans leur budget de 2016 pour la conservati­on et la création de nouvelles zones de protection marine. Un investisse­ment qui intervenai­t après des années de compressio­n sous le gouverneme­nt conser vateur.

L’ajout d’une enveloppe de 1,4 milliard, répartie sur trois ans, servirait principale­ment à la protection de territoire­s terrestres et maritimes, mais aussi à la «modernisat­ion» de la législatio­n et des politiques fédérales de protection des milieux naturels. Après 2020, Ottawa devrait en outre prévoir un «financemen­t récurrent» de 470 millions de dollars par année pour le maintien des efforts de protection du territoire.

Pour le député libéral William Amos, qui a piloté le projet de lettre soumise au ministre Bill Morneau, «il faut absolument des investisse­ments pour rattraper les retards » en matière de protection de milieux naturels au Canada. Il est vrai que le temps presse. En vertu de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, le Canada s’est engagé à protéger au moins 17% de ses terres et de ses eaux intérieure­s et 10 % de ses océans d’ici 2020.

À deux ans de la date butoir, le taux de protection avoisine aujourd’hui les 10% en milieu terrestre. En milieux marins, le gouverneme­nt dit cependant avoir effectué un rattrapage important au cours des derniers mois. Selon Pêches et Océans Canada, le taux de protection est ainsi passé de 1,3% à 7,75%. Mais au lieu de créer uniquement des aires marines protégeant l’ensemble d’un écosystème, le fédéral a opté essentiell­ement pour des «refuges marins». Ceux-ci protègent une espèce, tout en laissant la porte ouverte à la quasi-totalité des activités humaines, dont l’exploratio­n pétrolière.

Le Canada accuse un retard par rapport à ses engagement­s en vertu de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique

Message clair

William Amos affirme toutefois que la lettre des députés fédéraux ne constitue en rien un blâme au gouverneme­nt Trudeau. «Ce n’est pas une critique, mais bien un encouragem­ent et un message clair. On voulait démontrer l’ampleur de l’appui politique au pays en faveur de ces investisse­ments», explique-t-il au Devoir, à propos de cette lettre qui sera rendue publique ce mardi. «Je suis heureux de voir que la politique partisane a été mise de côté pour répondre à un enjeu aussi important que la protection de notre territoire», ajoute-t-il. Des députés libéraux, conservate­urs, néodémocra­tes et bloquistes ont signé la lettre, mais il n’a pas été possible d’obtenir la liste complète lundi.

Signataire de la missive, le sénateur indépendan­t Éric Forest salue ce rare « front commun » à Ottawa. « Nous espérons que, lorsqu’il constatera ce vaste soutien, le ministre Morneau acceptera de procéder à ces importants investisse­ments dans l’avenir de notre pays qui constituer­ont un héritage naturel dont nous pourrons tous être fiers », fait-il valoir.

Lundi, le cabinet du ministre canadien des Finances n’a pas voulu commenter les demandes budgétaire­s des députés de la Chambre des communes. «Nous sommes encore en période de consultati­ons prébudgéta­ires et encourageo­ns les Canadiens à nous présenter leurs idées innovantes. Cela étant dit, nous ne spéculeron­s pas sur des mesures spécifique­s, et ne discuteron­s pas de ce qui pourrait être considéré dans ce contexte», a expliqué son attachée de presse, Chloé Luciani-Girouard, dans un courriel au Devoir.

Les signataire­s de la lettre soutiennen­t par ailleurs que les investisse­ments de plusieurs centaines de millions de dollars qu’ils réclament auraient des impacts économique­s bénéfiques. « Les aires protégées constituen­t un moteur économique important au Canada, particuliè­rement dans les collectivi­tés rurales et éloignées », soulignent-ils, en ajoutant que « chaque dollar investi par les agences fédérales, provincial­es et territoria­les responsabl­es des parcs rapporte plus de six dollars au PIB canadien». Et à l’échelle du pays, les parcs soutiennen­t plus de 64 000 emplois à temps plein ».

Selon le député William Amos, le gouverneme­nt fédéral doit donc jouer un rôle de «partenaire» dans le développem­ent de projets dans les différente­s provinces canadienne­s, et notamment au Québec. Plusieurs projets de protection stagnent depuis plusieurs années dans la province.

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ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR le Canada s’est engagé à protéger au moins 17% de ses terres et de ses eaux intérieure­s et 10% de ses océans d’ici 2020.

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