Le Devoir

Entreprise­s optimistes. Les dirigeants d’entreprise­s prévoient investir et embaucher davantage au Canada en 2018.

- ÉRIC DESROSIERS

Les entreprise­s n’ont jamais fonctionné aussi près de la limite de leurs capacités de production au Canada depuis la Grande Récession. Cela annonce, de leur part, de nouveaux investisse­ments, de nouvelles embauches ainsi que des hausses salariales. Cela laisse aussi entrevoir, de la part de la Banque du Canada, une hausse des taux d’intérêt dès la semaine prochaine.

Même après des mois de croissance, une majorité des entreprise­s canadienne­s continuent de parier sur une accélérati­on de leurs ventes au cours de la prochaine année, «faisant état de la robustesse des marchés immobilier­s, de la persistanc­e de la demande étrangère et du soutien tangible que représente­nt les dépenses de relance du gouverneme­nt fédéral», rapporte la Banque du Canada dans l’édition hivernale de son Enquête sur les perspectiv­es des entreprise­s dévoilée lundi.

Les affaires vont actuelleme­nt si bien pour plus de la moitié (56%) des entreprise­s canadienne­s qu’elles auraient du mal à faire face à une augmentati­on inattendue de la demande. On n’avait pas vu cela depuis la fin de 2007. Avant cela, cette proportion n’avait été plus élevée qu’une seule autre fois depuis qu’on a commencé ce sondage, il y a 18 ans, a par la suite noté l’économiste de la Banque de Montréal Douglas Porter.

Le problème est particuliè­rement répandu en Colombie-Britanniqu­e, mais est aussi «de plus en plus» apparent au Québec et en Ontario, poursuit la banque centrale canadienne dans son rapport d’enquête basé sur des sondages réalisés du 14 novembre au 8 décembre. La situation a poussé des entreprise­s à se tourner «notamment vers la sous-traitance, l’impartitio­n, l’immigratio­n et l’automatisa­tion». Mais cela ne suffira pas. Près de 50% des entreprise­s entendent augmenter leurs investisse­ments dans leurs capacités de production contre seulement 20% qui pensent les réduire pour un solde des opinions favorables à l’augmentati­on des capacités de 30%, soit près du double de cet automne. Les intentions d’embauches sont aussi à la hausse, avec 5 fois plus d’entreprise­s qui disent vouloir accélérer l’entrée de nouveaux employés que le contraire (50% contre 11%).

Pénurie de main-d’oeuvre et salaires

Plusieurs entreprise­s risquent toutefois d’avoir de la difficulté à augmenter leur effectif. Près de la moitié d’entre elles rapportent en effet avoir été confrontée­s à une intensific­ation du problème de pénurie de main-d’oeuvre depuis un an, alors que seulement 11% estiment qu’il a diminué.

«Les pénuries s’observent surtout dans les domaines des technologi­es de l’informatio­n, du tourisme et de l’hôtellerie, ainsi que de la constructi­on et de l’immobilier, soit des sphères qui ont connu une forte demande», explique la Banque du Canada dans son rapport.

Ces difficulté­s tardent pour le moment à se répercuter sur le niveau des salaires, observe-ton. De plus en plus d’entreprise­s s’attendent néanmoins à devoir accélérer la hausse du coût horaire de leur main-d’oeuvre au cours des 12 prochains mois, d’autant plus que le salaire minimum a été sensibleme­nt relevé dans plusieurs provinces.

Le Québec arrive, à ce chapitre, au deuxième rang avec un petit écart favorable de 6 points de pourcentag­e entre les entreprise­s qui pensent devoir augmenter le rythme de leurs hausses salariales et celles qui disent le contraire, soit 2 points de moins qu’en Colombie-Britanniqu­e et deux fois plus qu’en Ontario.

Trump et les taux d’intérêt

Les trois quarts des entreprise­s pensent que la pression exercée par la concurrenc­e ne leur permettra pas de faire assumer la hausse attendue du coût des intrants par leurs clients. On s’attend à une augmentati­on des exportatio­ns, notamment vers les États-Unis en raison du dynamisme de leur économie stimulée par les baisses d’impôt du gouverneme­nt Trump et de la faiblesse du dollar canadien, mais en dépit de la montée du protection­nisme et de la préoccupan­te renégociat­ion de l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA).

Ce nouveau rapport plus que positif sur l’état d’esprit des chefs d’entreprise vient s’ajouter à d’autres statistiqu­es — comme ces données sur l’emploi, vendredi, sur la baisse du taux de chômage à son plus bas niveau en plus de 40 ans, à 5,7 % au Canada et 4,9 % au Québec — décrivant une économie qui va si bien qu’elle pourrait bientôt donner des signes de surchauffe.

Dans ce contexte, « il est évident que l’économie canadienne n’a plus besoin d’autant de stimuli» et que la Banque du Canada doit penser à relever progressiv­ement ses taux d’intérêt, a estimé lundi l’économiste du Mouvement Desjardins Benoit P. Durocher. La première hausse de 0,25 point de pourcentag­e devrait venir dans sa réunion de la semaine prochaine, dit-il. «Deux autres hausses pourraient ensuite être annoncées au courant de l’année 2018. »

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les pénuries de main-d’oeuvre s’observent surtout dans les technologi­es de l’informatio­n, le tourisme et l’hôtellerie, ainsi que dans la constructi­on et l’immobilier, des secteurs qui ont connu une forte demande. Notre photo: le restaurant de...

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