CIBL défend sa décision. Le président du CA qualifie les mises à pied de choix « très difficile, mais responsable».
Les treize employés mis à pied ont lancé un appel à la solidarité alors qu’un comité de relance a été créé
Alors que les 13 employés mis à pied de la radio communautaire montréalaise CIBL ont lancé un appel à la solidarité, lundi, le président du conseil d’administration de la station, Thierry Holdrinet, a qualifié la décision de la direction d’«extrêmement difficile à prendre, mais de très responsable» pour la survie du 101,5 FM.
M. Holdrinet affirme que CIBL, une fréquence radio devenue pépinière de talents depuis maintenant près de 38 ans, « n’est pas à l’abri de la crise des médias» et que son fonds de trésorerie est à sec.
Selon le président du conseil d’administration, CIBL génère actuellement quelque 8000$ de revenus par mois — excluant l’aide au fonctionnement pour les médias communautaires du PAMEC. «Et ça nous coûte quelque chose comme 25 000 $ par mois pour nos frais d’occupation, les salaires, les frais de fonctionnement. On creuse notre trou chaque mois. Et donc [les mises à pied], c’était une décision extrêmement difficile à prendre, mais très responsable. Je trouve ça plus responsable de faire ça que de faire travailler les gens en sachant que tu ne peux pas les payer le mois prochain. »
La station, ajoute Thierry Holdrinet, sort d’une période d’un an et demi où, sous la gouverne du directeur général démissionnaire Arnaud Larsonneur, le 101,5 FM a bouleversé sa programmation en réduisant drastiquement le nombre d’émissions en ondes.
Mais en même temps, CIBL, qui a pignon sur rue dans l’édifice du 2-22, à l’angle de la rue Sainte-Catherine et du boulevard Saint-Laurent, a aussi réduit sa dette envers son syndicat de copropriétaires d’environ 85 % en vendant une partie de sa superficie à Danse Danse et à la Vitrine culturelle. La dette « fluctue chaque mois, mais c’est passé de 120 000 $ à autour de 20 000 $ aujourd’hui, dit M. Holdrinet. Même chose pour l’ensemble de nos comptes. » « Financièrement, très sincèrement, dans un sens, ça va mieux que ça allait», croit le président du conseil d’administration.
Du côté de l’Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec, on estime que les mises à pied sont toujours tristes, mais qu’elles montrent une recherche de solution. « Je suis quand même optimiste. CIBL est implantée, une nouvelle comme ça va mobiliser les gens, dit la présidente de l’association, Tanya Beaumont, qui fait aussi partie de la direction de CKRL, à Québec. Ce ne sont pas des mesures agréables à prendre, mais c’est des mesures qui veulent dire “on veut s’en sortir”.»
Comité de relance
Le conseil d’administration a d’ailleurs rencontré lundi après-midi les employés qui ont été mis à pied jusqu’à nouvel ordre. L’animateur de l’émission du matin à CIBL, Julien Poirier-Malo, a affirmé au Devoir à titre de porte-parole des employés qu’«aucune mesure concrète sur le plan des emplois, sur le plan de la relance de CIBL ou de la mise en ondes n’a été annoncée» lors de la rencontre de lundi.
Le conseil d’administration a tout de même formé un comité de relance qui sera créé pour remettre CIBL sur pied. «Il doit y avoir […] un plan d’action clair et précis, avec des noms, des actions, des montants et des dates », explique Thierry Holdrinet. Le comité sera d’abord composé de gens de l’interne, avant que s’y greffent des employés, des bénévoles et des gens des milieux politique, économique et social.
« Des gens ont déjà été approchés, des gens ont déjà levé la main », dit M. Holdrinet. Plusieurs personnalités publiques ont signalé leur intérêt pour aider CIBL depuis vendredi, dont Alexandre Taillefer qui sur Twitter a dit être « prêt à mettre du temps» pour sauver la station. Joint par courriel vendredi, M. Taillefer a dit au Devoir qu’«il faut trouver une solution à long terme, pas un plaster ». « Je vais vous sembler vieux jeu, mais je crois qu’il est préférable d’apprendre à une radio à pêcher [plutôt que de] lui livrer du poisson. »
«CIBL ne fermera pas»
Les employés n’avaient par ailleurs pas attendu l’annonce d’un comité de relance pour prendre la parole publiquement, lundi. Ils ont décidé de profiter de l’écho qu’a eu leur congédiement pour lancer une lettre ouverte «pour provoquer une implication historique ».
«CIBL ne fermera pas, dit d’emblée la missive. Nous lançons donc un appel à l’implication pour permettre à CIBL de rebondir et d’entamer un virage numérique essentiel qui n’a jamais été effectué», ajoute-t-on dans la lettre.
«D’une part, c’est un appel à la mobilisation des auditeurs et des membres que l’on fait, a expliqué au Devoir Julien Poirier-Malo. Il y a une assemblée générale qui approche, une majorité des postes au conseil d’administration devront être pourvus, la direction générale doit aussi être pourvue.»
D’autre part, la lettre sert d’appel du pied «aux pouvoirs publics et aux communautés d’affaires, parce que ce n’est pas un secret pour personne que CIBL a besoin d’aide, d’aide récurrente», dit M. Poirier-Malo, évoquant le ministère de la Culture, la Ville de Montréal et la communauté d’affaires.
La lettre des employés mis à pied précise que leur démarche ne vise «d’aucune façon à préserver [leurs] emplois individuels. Il s’agit d’une démarche collective pour sauvegarder une institution dont la valeur est inestimable. »
La page Facebook «Unis pour CIBL» comptait lundi soir quelque 1300 abonnés.
Publicité gouvernementale
Le président du conseil d’administration, Thierry Holdrinet, a souligné au Devoir que les revenus publicitaires de CIBL étaient passés de 400 000$ en 20132014 à moins de 100 000 $ aujourd’hui. Il souligne aussi la baisse prononcée de l’achat publicitaire des gouvernements, en particulier de la Ville de Montréal. «En 20142015, la Ville achetait autour de 200 000$ de publicité à CIBL, cette année on est à 25 000 $», dit Holdrinet.
Ce qu’a reconnu le directeur des communications au cabinet de Valérie Plante, MarcAndré Viau. «Depuis les quatre dernières années, il y a moins d’argent de donné, on va voir ce qu’on peut faire pour appuyer CIBL.» La Ville scrutera donc la situation avec les directions du Développent économique et de la Culture, « pour savoir si on a des moyens et si oui quels sont les moyens», dit M. Viau.
L’attaché de presse du ministère de la Culture, Mathieu Larouche, a quant à lui affirmé au Devoir que «des discussions avec quelques partenaires» se tenaient «pour voir si on peut les aider. Il n’y a rien à annoncer tout de suite, mais ça nous préoccupe. »