Le Devoir

Ces « bébés du printemps » qui sont de trop

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Ne vous y trompez pas ! Le retour en arrière du gouverneme­nt concernant «la tolérance administra­tive» pour les poupons de 18 mois dans les CPE n’a rien à voir avec le bien-être des jeunes enfants! Si c’était le cas… on le saurait !

Que nous dit la recherche sur les besoins des enfants de 18 mois? Mes recherches et celles de nombreux collègues sur le sujet ont démontré que la stabilité d’un groupe est essentiell­e à l’adaptation socio-affective du jeune enfant. Ainsi, à l’intérieur d’une même année, les activités quotidienn­es et les expérience­s sociales entre enfants lui permettent de reconnaîtr­e le mode de fonctionne­ment de chaque individu, les structures du groupe (qui joue avec qui, qui se chicane avec qui, par exemple) et ainsi, en arriver à trouver sa place dans le groupe. En conséquenc­e, en septembre, les éducatrice­s vont (avec raison) privilégie­r des activités qui favorisent la structurat­ion des groupes et ainsi, facilitent l’intégratio­n de chaque enfant dans le groupe.

Changer un enfant de groupe à n’importe quel moment de l’année représente un défi considérab­le pour lui, mais aussi pour le groupe d’accueil. Pour trouver sa place, ce nouvel enfant devra bousculer l’ordre établi et remettre en question l’organisati­on sociale du groupe. Au quotidien, cela se traduit par une augmentati­on du niveau d’activités des enfants (chamaillag­e, bruit, pleurs, cris, etc.), caractéris­tiques normales que nous retrouvons lors de la formation des groupes en septembre (toute éducatrice pourra en témoigner). Pour un enfant plus retiré, le défi semble encore plus grand et cela est particuliè­rement vrai pour celui qui est moins outillé sur le plan du langage (ce qui est généraleme­nt le cas pour les enfants de moins de deux ans).

Les recherches sur l’attachemen­t nous indiquent qu’entre 18 et 24 mois, les enfants en arrivent, progressiv­ement, à développer des relations affectives avec plusieurs personnes (éducatrice, autres enfants) plutôt qu’en exclusivit­é avec les parents. Il s’agit donc d’une compétence nouvelleme­nt acquise qui permet à l’enfant de se sentir en sécurité avec différente­s personnes, dans différents contextes. Ne serait-il donc pas pertinent de permettre au jeune enfant d’exercer cette nouvelle compétence dans un environnem­ent qu’il connaît et avec des personnes qu’il fréquente depuis plusieurs mois ?

Enfin, il est faux de prétendre que l’environnem­ent éducatif d’une pouponnièr­e n’est pas adapté pour les enfants de 18-24 mois et, lorsque c’est le cas pour un enfant en particulie­r, l’éducatrice en discutera avec les parents, ses collègues de travail et la direction. Dans ces cas, le changement de groupe se fera avec l’accord des parents et dans l’intérêt de cet enfant.

Ne vous y trompez pas! Cette pseudo pré occupation pour le développem­ent des enfants cache strictemen­t (mais à peine) des compressio­ns budgétaire­s. Francine Sinclair, Ph. D., professeur­e honoraire, Université du Québec en Outaouais Le 8 janvier 2018

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