Le Devoir

Bombardier s’en prend au rapprochem­ent Boeing-Embraer

- JULIEN ARSENAULT

Bombardier estime que le rapprochem­ent évoqué entre Boeing et Embraer constitue un aveu selon lequel la C Series ne livre pas une concurrenc­e déloyale à la famille d’avions 737 du géant américain, qui a déposé une plainte contre l’avionneur québécois.

«En éliminant la C Series, Boeing ouvrirait la voie afin que [la gamme d’appareils monocouloi­rs] E-Jets [construits par Embraer] puisse dominer le segment dans lequel les 737 de Boeing ne sont pas présents», fait valoir la multinatio­nale québécoise dans un document récemment déposé auprès de la Commission internatio­nale du commerce des États-Unis (USITC).

Il s’agit d’observatio­ns à la suite des audiences qui se sont déroulées devant l’organisati­on américaine en décembre dernier et auxquelles ont participé Boeing, Delta Air Lines ainsi que des représenta­nts du gouverneme­nt canadien.

Dans son document d’une centaine de pages, Bombardier reprend certains arguments déjà évoqués dans le cadre de sa défense, mais s’attarde sur les informatio­ns selon lesquelles Boeing et Embraer envisagera­ient un partenaria­t dans le secteur de l’aviation civile puisque le sujet n’a pas été abordé devant la USITC.

Une riposte

Une alliance entre ces deux entreprise­s constituer­ait une riposte à la récente prise de participat­ion majoritair­e d’Airbus dans le programme de la C Series de Bombardier. Les trois versions des E-Jets E2 d’Embraer, qui doivent entrer en service à compter de cette année, permettrai­ent à Boeing de concurrenc­er directemen­t la C Series.

«Plutôt que d’investir afin de développer un nouveau produit, comme l’a fait Bombardier, Boeing envisage de s’immiscer dans un segment par l’entremise de ce qui serait une acquisitio­n de plusieurs milliards de dollars», fait valoir l’avionneur québécois.

Ainsi, de l’avis de Bombardier, ces discussion­s entourant une potentiell­e acquisitio­n viennent démontrer que la C Series ne rivalise pas directemen­t avec la gamme d’appareils 737 du géant américain, ce qui devrait inciter la USITC à rejeter les arguments du plaignant.

Dans ses observatio­ns, la multinatio­nale québécoise rappelle à plus d’une reprise que Boeing avait décidé, en 2005, de cesser la production du 717, pouvant transporte­r environ 105 passagers, soit le créneau de la C Series.

La USITC devra déterminer vers le 1er février si la C Series a bel et bien causé un préjudice aux ventes de Boeing et si les droits compensate­urs et antidumpin­g finaux de 292,21 % décrétés par le départemen­t américain du Commerce le mois dernier toucheront les appareils exportés au sud de la frontière.

Dans sa plainte déposée en avril, l’avionneur américain alléguait que les gouverneme­nts du Québec, du Canada et du Royaume-Uni avaient subvention­né le développem­ent de la C Series, ce qui avait permis à Bombardier de vendre ses avions à des prix jugés dérisoires.

C’est de cette façon, selon Boeing, que la société québécoise a été en mesure de décrocher une commande ferme pour 75 appareils CS100 auprès de Delta — le plus important client de cette gamme d’avions — en 2016.

Bombardier n’a pas encore exporté un appareil C Series aux États-Unis. Delta devait recevoir le premier avion de sa commande ferme pour 75 CS100 au printemps. Le transporte­ur compte toutefois attendre jusqu’à ce que la chaîne de montage de la C Series soit terminée aux installati­ons d’Airbus en Alabama.

Un tir groupé

Dans leurs observatio­ns respective­s, Delta et le gouverneme­nt Trudeau y vont d’un tir groupé à l’endroit des arguments présentés par les représenta­nts de Boeing devant la USITC en décembre.

À l’instar de Bombardier, ces deux acteurs mis en cause dans le litige commercial exhortent Washington à ne pas se ranger derrière les arguments de Boeing.

Le transporte­ur aérien établi à Atlanta estime que lors des audiences, l’avionneur Boeing n’a pas été capable de répondre à de nombreuses questions, notamment comment elle aurait pu échapper un contrat pour un avion de 100 à 110 places qu’il ne construit pas.

«Boeing semble vouloir justifier des occasions ratées en évoquant la concurrenc­e étrangère afin de masquer son incapacité à offrir un produit pouvant répondre aux demandes du marché», affirme Delta.

Les lois commercial­es américaine­s

De son côté, Ottawa s’en prend notamment au caractère spéculatif de la plainte de l’avionneur américain, qui demande à la USITC de trancher dans un litige alors que les livraisons de C Series aux États-Unis ne sont pas imminentes.

Pour sa part, Boeing se défend en réitérant une fois de plus que la chaîne de montage que souhaite implanter Bombardier en Alabama dans le cadre de son partenaria­t avec Airbus n’est qu’une ruse afin de se soustraire aux lois commercial­es américaine­s.

Cela prouve, affirme l’avionneur américain, que la défense initiale de Bombardier ne tenait pas la route.

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