Le Devoir

L’Union européenne lance le chantier à risque des budgets post-Brexit

On se prépare déjà à des coupes budgétaire­s et à une hausse de la contributi­on des États

- CÉDRIC SIMON à Bruxelles

La Commission européenne a donné lundi le coup d’envoi au débat épineux sur les budgets post-Brexit de l’UE, en prévenant les capitales qu’elles devaient se préparer à des «coupes impression­nantes» dans certains domaines, tout en contribuan­t davantage au pot commun.

Le départ des Britanniqu­es, programmé en mars 2019, va laisser un « trou » considérab­le chaque année dans les finances européenne­s, au moment où l’UE cherche à financer de nouvelles politiques dans des secteurs comme la défense ou la migration.

«Nous arrivons aux limites de nos possibilit­és », a prévenu le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors d’une conférence à Bruxelles, marquant le coup d’envoi d’un débat sur le prochain « cadre financier pluriannue­l » de l’UE.

Le cadre actuel couvre la période 2014-2020, avec un plafond de dépenses fixé à environ 963 milliards d’euros pour ces sept ans. Malgré son départ en 2019, le Royaume-Uni s’est engagé à verser sa part jusqu’à 2020 inclus, mais l’UE devra ensuite faire sans la contributi­on britanniqu­e.

«Un contribute­ur net [donnant plus à l’UE qu’il ne reçoit de sa part] va nous quitter et nous allons perdre 12-13 milliards d’euros par an», a chiffré le commissair­e européen chargé du Budget, Günther Oettinger.

Pour combler ce «trou» lié au Brexit, le commissair­e allemand a proposé «de réaliser des économies à concurrenc­e de 50%» de ce montant et de trouver de «l’argent frais» pour l’autre moitié. Et concernant les nouvelles politiques que doit financer l’UE, pour une véritable défense européenne ou pour sécuriser ses frontières, M. Oettinger a suggéré de recourir pour «80%» à de l’argent frais.

L’Allemagne et les autres

La Commission fera des propositio­ns plus détaillées en mai et veut arriver à un accord au sein de l’UE pour 2019, avant que ne soit mandaté un nouvel exécutif.

Mais quels que soient les paramètres qui seront retenus, tous les ingrédient­s sont réunis pour ranimer le traditionn­el bras de fer entre les gros contribute­urs comme l’Allemagne, peu enclins à donner davantage, et les principaux bénéficiai­res de fonds européens, inquiets à l’idée de recevoir moins.

«Il y aura un lourd débat sur la Politique agricole commune [PAC] et sur les fonds de cohésion» en faveur des régions les moins riches de l’UE, a reconnu M. Juncker, mentionnan­t ces deux secteurs concentran­t actuelleme­nt plus de deux tiers des budgets européens.

Le chef de l’exécutif européen a dit son aversion à l’idée de «coupes sanglantes» dans ces politiques, mais Günther Oettinger a admis qu’il fallait se préparer à des «sacrifices».

«Il va falloir faire des coupes dans certains grands programmes, et des coupes impression­nantes», a averti le commissair­e allemand, pour qui seuls des programmes comme Erasmus (pour les étudiants) ou Horizon 2020 (pour la recherche) doivent échapper à toute « coupe ».

Est contre Ouest

MM. Juncker et Oettinger ont aussi clairement plaidé pour une hausse des contributi­ons nationales au budget de l’UE, actuelleme­nt plafonnées à 1% du PIB des États membres. «Nous n’avons pas besoin de 2% du PIB, mais de plus de 1%, disons 1,1% et des poussières», a précisé M. Oettinger.

Le grand débat budgétaire sera d’autant plus délicat qu’il risque de devenir un nouveau terrain de la dispute politique entre l’est et l’ouest de l’Union.

Plusieurs pays, l’Allemagne en tête, suggèrent en effet de conditionn­er à l’avenir l’accès aux fonds européens au respect des valeurs et des décisions de l’UE, ce qui vise clairement la Hongrie et la Pologne.

Les deux pays ont refusé d’appliquer des quotas d’accueil obligatoir­es de réfugiés ces deux dernières années et Varsovie défie ouvertemen­t Bruxelles en maintenant des réformes judiciaire­s qui menacent l’État de droit selon la Commission.

Les dirigeants des pays de l’UE auront une première occasion d’échanger entre eux sur les contours des budgets Simon de l’UE lors d’un sommet informel prévu le 23 février à Bruxelles.

 ?? JOHN THYS AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le président de l’Union européenne, Jean-Claude Juncker, lors d’une conférence marquant le coup d’envoi d’un débat sur le prochain «cadre financier pluriannue­l» de l’UE, lundi à Bruxelles. «Nous arrivons aux limites de nos possibilit­és», a-t-il prévenu.
JOHN THYS AGENCE FRANCE-PRESSE Le président de l’Union européenne, Jean-Claude Juncker, lors d’une conférence marquant le coup d’envoi d’un débat sur le prochain «cadre financier pluriannue­l» de l’UE, lundi à Bruxelles. «Nous arrivons aux limites de nos possibilit­és», a-t-il prévenu.

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