La motion sur le « bonjour-hi » inquiète un défenseur des droits linguistiques
Au-delà des impacts politiques, l’adoption de la motion sur le «bonjour-hi » pourrait avoir des répercussions légales, s’inquiète l’avocat Michael N. Bergman, dans une prise de position qu’un de ses pairs qualifie d’«alarmiste».
Plus de cinq semaines après son adoption, le 30 novembre, la motion unanime de l’Assemblée nationale demandant aux commerçants d’abandonner le « bonjour-hi » n’a pas fini de faire des vagues.
Dans un entretien avec Le Devoir, Michael N. Bergman est revenu mardi sur une lettre qu’il a envoyée au quotidien Montreal Gazette, et dans laquelle il déclare que «l’exclusion du mot « hi » pourrait être interprétée légalement comme étant un reflet des peurs et insécurités de la majorité linguistique».
Le juriste — qui porte les causes de la communauté anglophone depuis des décennies — estime que la motion de l’Assemblée nationale pourrait très bien servir de «preuve sociale» et être utilisée dans de nouvelles batailles linguistiques.
«S’il y a d’autres litiges au sujet de la Charte française et de la langue de commerce, il faudra déposer des statistiques, des avis d’experts, des analyses, mais aussi une preuve sociale, pour expliquer ce qu’est le contexte social au Québec, a-t-il avancé. On peut exposer ce genre de motion et de résolution.»
Les élus minimisent
Devant le tollé provoqué par l’adoption de la motion dans les milieux québécois anglophones, divers élus libéraux se sont affairés, avant Noël, à diminuer l’impact de celle-ci.
«Il est important de rappeler que cette motion n’a aucune valeur légale», a notamment déclaré le député de D’ArcyMcGee, David Birnbaum.
Son collègue Geoffrey Kelley a qualifié cette histoire de «tempête dans un verre d’eau», tandis que Kathleen Weil a déploré le manque de compréhension de cette motion par les membres de la communauté anglophone. «Ils pensaient qu’on avait légiféré pour bannir l’anglais. C’était extrême», a déclaré la ministre.
C’est vrai: le « bonjour-hi » n’est pas devenu illégal, a convenu Me Bergman. Mais l’adoption d’une motion unanime écorchant cette salutation pourrait être utilisée comme un argument témoignant de la «fragilité continue» du français devant les tribunaux, a-t-il écrit dans le Montreal Gazette.
Le 20 décembre, la Cour d’appel du Québec a d’ailleurs attesté de cette fragilité en confirmant deux décisions d’instances inférieures sur la nécessité de la loi 101 en matière d’affichage.
« Mon collègue est alarmiste», a réagi David Robitaille, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa.
«[La motion] n’affecte aucunement la situation juridique et les droits fondamentaux des anglophones. »
Devant les tribunaux, la motion serait «tout au plus» un facteur contextuel d’analyse, à son avis. « Ça ne vient pas faire foi d’une situation préoccupante pour le français sur le plan des statistiques», a-t-il expliqué, insistant sur la prépondérance des preuves empiriques — données, statistiques, rapports — en Cour.
«[L’ex-premier ministre canadien Stephen] Harper n’avait-il pas reconnu dans une motion que le Québec était une [nation au sein d’un Canada uni]? Ça n’a pas eu de retombées juridiques », at-il illustré.
La ministre responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française, Marie Montpetit, a décliné la demande d’entrevue du Devoir.
L’avocat Michael N. Bergman estime que la motion de l’Assemblée nationale pourrait très bien servir de «preuve sociale» et être utilisée dans de nouvelles batailles linguistiques