Le Devoir

Pure méchanceté

-

Donald Trump n’a pas encore construit son mur, mais il continue, conforméme­nt aux vociférati­ons anti-immigrante­s qui l’ont porté au pouvoir, de durcir la politique migratoire américaine. En cela comme en tout le reste, le cirque qu’est sa présidence ne l’empêche pas de poursuivre avec déterminat­ion son travail de sape. Vient à nouveau en témoigner la décision annoncée lundi par le départemen­t de la Sécurité intérieure de mettre fin au «statut de protection temporaire» (TPS, en anglais) qui mettait à l’abri de procédures d’expulsion 200 000 Salvadorie­ns vivant aux États-Unis. C’est ce même programme qui a été abrogé pour près de 60 000 Haïtiens et, plus récemment, pour quelque 2500 Nicaraguay­ens.

Adopté sous le président George Bush en 1990 et renouvelé à intervalle­s réguliers, le TPS couvre une dizaine de pays, y compris musulmans comme le Yémen et la Syrie, mais a surtout été conçu à l’intention des réfugiés de l’Amérique centrale, empêchés de rentrer dans leur pays pour cause de conflits armés ou de catastroph­es naturelles.

Il est manifeste que, pour des raisons électorale­s, M. Trump veut en finir avec ce programme qui bénéficie à plusieurs centaines de milliers de personnes, dont la majorité sont installées aux États-Unis depuis dix ou vingt ans, ont fondé des familles, paient leurs impôts et travaillen­t en toute légalité. Les 50 000 Honduriens qui tirent parti du TPS sont dans le collimateu­r: Washington se retient pour l’instant de les soustraire au programme, comme le Honduras traverse une crise politique avec la réélection contestée du président Juan Orlando Hernandez.

Entendu que M. Trump durcit la politique migratoire américaine sans égard à l’absurdité économique de ses décisions. Ces migrants sont utiles à l’économie nationale; leur tort est de ne pas être blancs. S’il est clair, au demeurant, que tous ces gens font une contributi­on majeure au marché de l’emploi dans l’industrie des services et de la constructi­on, il vaut d’être souligné que les entreprise­s qui poussent les hauts cris se trouvent au fond à défendre un accès à une main-d’oeuvre bon marché.

Absurde, cette décision l’est sur le plan humain. Absurde et cruelle. Le Salvador est un petit pays pauvre qui n’a pas encore vraiment guéri de sa guerre civile. Un pays considéré comme l’un des plus violents au monde, touché à l’heure actuelle par une sécheresse. Face à cette réalité, le gouverneme­nt Trump refuse d’entendre que le programme « temporaire » a fini par imposer une obligation d’accueil permanent. Il n’y a pas plus cynique. Mais c’est dire aussi à quel point le système d’immigratio­n américain est devenu dysfonctio­nnel, faute d’une réforme passant par une procédure d’accès des illégaux à la citoyennet­é.

 ??  ?? GUY TAILLEFER
GUY TAILLEFER

Newspapers in French

Newspapers from Canada