Le Devoir

Un voeu de santé pour 2018

- DOCTEUR GILLES JULIEN Pédiatre social

La santé est un bien précieux qu’on se souhaite le plus longtemps possible. La santé, c’est aussi un droit fondamenta­l qui doit être accessible à tous, en tout temps. La santé n’est pas seulement l’absence de maladie, mais surtout un état de bien-être et de bonheur durable. Tous y aspirent, sans exception.

La santé est d’abord une responsabi­lité personnell­e, même si elle est aussi sociale pour ceux qui vivent «en société». L’individu doit jouer un rôle de premier plan dans le développem­ent et le maintien de sa santé. Il doit être bien informé et posséder les outils nécessaire­s pour agir en conséquenc­e.

La société, elle, doit mettre en place un ensemble de structures et rendre accessible­s des moyens utiles pour soutenir l’individu afin qu’il sauvegarde sa santé. Le rôle de l’État est donc fondamenta­l mais «partagé», dans une perspectiv­e d’équité et de justice sociale.

Dans l’état actuel des choses, le système de santé et de services sociaux du Québec est en sérieuse crise et on ne voit pas d’améliorati­ons en vue. Pourtant, des pays comme le Royaume-Uni, l’Australie et les Pays-Bas y arrivent. Comme pour obnubiler le problème, on n’en finit plus d’accuser les médecins d’être responsabl­es de tous les maux qui affligent ce gros système et on semble se refuser à réfléchir aux véritables raisons de cet échec. Il est facile et réducteur d’accuser les médecins, bien payés certes, mais également victimes plus ou moins consentant­es.

L’État-providence au trop plein pouvoir, les coûts faramineux incontrôla­bles, la bureaucrat­ie monstre, les coûts exorbitant­s des médicament­s, leur surconsomm­ation, l’absence de mesures préventive­s, l’environnem­ent toxique en sont des exemples clairs et j’en passe.

On ne parle pas de ces vrais enjeux qui minent notre système de santé.

Dans l’état actuel des choses, il y a les «gens privilégié­s» et les «autres». Pour les uns, le coût n’a pas d’importance. Ils ont leur médecine à deux vitesses pour être soignés vite et bien. Ils ont accès à toute l’informatio­n nécessaire pour prendre en charge leur santé même s’ils ne s’en préoccupen­t pas toujours beaucoup. Pour contrer les stress toxiques, ils peuvent profiter de vacances prolongées loin de l’hiver et des temps sombres. Ils peuvent aussi se rabattre sur des biens et des aliments luxueux pour se conforter dans les moments plus difficiles. Et j’en passe…

Pour les autres, il leur faut attendre des lunes pour dénicher un médecin consentant à leur parler 10 minutes. Ils peuvent d’ailleurs rarement lui poser des questions et surtout pas se faire rassurer, même s’ils souffrent d’un cancer ou d’une maladie complexe. On leur prescrit beaucoup de médicament­s pour les calmer ou pour leur rendre la vie plus acceptable. Ils ne peuvent que rarement sortir de leur quartier appauvri pour se changer les idées et les vacances, ils ne connaissen­t pas. Sans soutien et sans répit, les moyens leur manquent pour assurer leur santé et leur bien-être. L’équité n’est certes pas au rendez-vous en santé au Québec.

Je suis médecin, et il se trouve que j’ai des amis privilégié­s et des amis qui le sont beaucoup moins. Je suis donc à la fois mal placé et bien placé pour émettre une opinion personnell­e. Ce qui est clair, c’est que je crois encore en une certaine équité et en une justice sociale dans le domaine de la santé, et c’est mon souhait en ce début d’année 2018.

Loin de moi l’idée d’enlever des privilèges à ceux qui en ont déjà. Ce serait subversif et pas très amical de ma part. J’estime trop mes amis pour me lancer dans cette aventure. Par contre, je sais pertinemme­nt que plusieurs d’entre eux veulent changer réellement la donne et qu’ils pourraient «contaminer» plusieurs de leurs amis pour enfin aborder les vraies choses en santé afin de rendre les soins plus équitables.

On peut penser que nos amis privilégié­s s’impliquent dans un changement majeur en tant que société civile, en santé et aussi en éducation (des précédents existent ailleurs dans le monde), qu’ils fassent entendre leurs voix pour le bien public comme lobbyistes ou comme force commune, qu’ils travaillen­t à changer notre société en la rendant plus inclusive et même qu’ils contribuen­t personnell­ement à se rapprocher des autres de différente­s façons pour non seulement influencer la santé de chaque individu, mais aussi celle de la société tout entière.

Ensemble, nous pouvons changer le monde. Voilà mon souhait et mon rêve pour 2018 !

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