Le Devoir

Macron peine à infléchir une relation déséquilib­rée

- LAURENCE BENHAMOU PATRICK BAERT à Pékin

Pour sa première visite en Chine, Emmanuel Macron a décroché la promesse d’un gros contrat nucléaire, mais sans percée majeure pour refonder une relation déséquilib­rée, qui a poussé Paris à s’alarmer des risques de «pillage » technologi­que chinois.

Le président français a placé d’emblée sa visite sous le signe des routes de la soie, réclamant que la France et l’Europe participen­t pleinement à ce colossal projet, lancé par la Chine afin de construire des infrastruc­tures de transport ente l’Europe et l’Asie.

«Ces routes doivent être partagées», a-t-il lancé lundi, se posant en leader de l’Europe. « Elles ne peuvent être les routes d’une nouvelle hégémonie. »

Mardi, lors d’une réception officielle, le président chinois, Xi Jinping, lui a répondu que, «comme le dit le président Macron, ce projet n’appartient pas à un seul pays», mais «reflète la vision chinoise d’une gouvernanc­e mondiale ».

Sa visite a débouché comme prévu sur la signature d’une liste d’accords, mais sans chiffrage total.

L’accord le plus important est l’engagement de signer dans trois mois la fourniture par Areva d’une usine de retraiteme­nt des déchets nucléaires, en négociatio­n depuis dix ans.

Mais si le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a évoqué un contrat de «10 milliards d’euros immédiats», qui «sauverait la filière nucléaire» française, l’Élysée n’a donné aucun chiffre.

CFM Internatio­nal, coentrepri­se de Safran et de General Electric (GE) dans les moteurs d’avions, a aussi annoncé un contrat d’achat, de services et de maintenanc­e avec la compagnie chinoise Spring Airlines, pour un montant total de 2,9 milliards de dollars.

Cette visite n’a pas pour but de «venir chercher un maximum de contrats avec des montants affichés très élevés» qui ne correspond­ent pas toujours à la réalité, a fait valoir Emmanuel Macron.

Reste que le président français a réclamé à chaque prise de parole en Chine le rééquilibr­age d’une relation où la France accuse un déficit commercial de 30 milliards d’euros. En échange, a-t-il dit, la France accepterai­t davantage d’investisse­ments chinois.

Mais avec des limites, ont averti, sans prendre de gants, le président et encore plus Bruno Le Maire.

«On accepte des investisse­ments sur le long terme et pas des investisse­ments de pillage», a lancé ce dernier devant la presse. «Toute la difficulté est de savoir comment on accroît notre part de marché en Chine sans devenir des vassaux de la Chine. »

Selon lui, les investisse­urs chinois « ne connaissen­t que le rapport de force. Ils ont pour stratégie le dépassemen­t: non plus imiter les technologi­es françaises mais les dépasser ».

«Un nouvel élan»

Emmanuel Macron s’est félicité d’un accord très attendu sur la levée de l’embargo chinois sur la viande de boeuf française, promis pour survenir «dans les six mois», sur un partenaria­t pour créer un Centre Pompidou d’art contempora­in à Shanghai, ou encore sur une meilleure ouverture du marché chinois au porc et au lait français.

En revanche, même si Airbus a conclu un protocole d’accord en vue d’augmenter sa cadence de production de l’A320 en Chine, le groupe européen n’a annoncé aucune vente d’appareils, fait rare pour une visite présidenti­elle française.

À titre de comparaiso­n, lors de la visite du président américain, Donald Trump, à Pékin en novembre, Boeing avait signé des commandes chinoises pour 300 appareils, d’un montant catalogue de 37 milliards de dollars.

La visite d’État s’est toutefois déroulée sans heurts, avec un long entretien lundi soir et un dîner à quatre des couples présidenti­els, puis une visite d’Emmanuel et Brigitte Macron à la Cité interdite mardi matin. Le président français a offert à son hôte un cheval de la garde républicai­ne.

«Cette visite injecte un nouvel élan» à la relation sinofrança­ise et « ouvre un nouveau chapitre», a déclaré Xi Jinping lors d’une déclaratio­n conjointe au Palais du peuple, où il a reçu le président français avec tous les honneurs.

Mercredi, M. Macron devait se rendre à l’Académie spatiale, où la France et la Chine développen­t ensemble un satellite d’observatio­n de la Terre. L’occasion de rappeler que Paris compte désormais d’abord sur la Chine, premier pollueur mondial, pour lutter contre le réchauffem­ent climatique, après le retrait des ÉtatsUnis de l’Accord de Paris.

 ?? MARK SCHIEFELBE­IN AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le président français, Emmanuel Macron (à gauche), a placé d’emblée sa visite sous le signe des routes de la soie.
MARK SCHIEFELBE­IN AGENCE FRANCE-PRESSE Le président français, Emmanuel Macron (à gauche), a placé d’emblée sa visite sous le signe des routes de la soie.

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