Le Devoir

CKIA, la survivante des radios communauta­ires

Jadis au bord du gouffre, la radio de Québec se porte mieux après avoir été forcée de mettre à pied ses employés en 2010

- PHILIPPE PAPINEAU

Alors que la radio communauta­ire montréalai­se CIBL a mis à pied tous ses employés en raison de difficulté­s financière­s, la situation similaire vécue en 2010 par la station CKIA, à Québec, refait surface. Retour sur le cas d’une station qui a survécu.

L’hiver 2010 s’est révélé sombre pour la station de radio communauta­ire de Québec, CKIA, installée au 88,3 FM. Aux prises avec une dette accumulée de quelque 120 000 $ et en retard dans les paiements de son loyer du complexe Méduse : il y avait péril en la demeure. Ce qui avait forcé la station à mettre à pied ses six employés et à créer un comité de survie.

« Il est minuit moins une », déclarait à l’époque le président du conseil d’administra­tion de CKIA, Bryan St-Louis, qui avait auparavant été employé de la station.

La chanson résonne en harmonie avec celle qui se joue malheureus­ement en ce moment au 101,5 FM. Comme CIBL, CKIA «est une radio urbaine qui a vécu des difficulté­s, qui a fait le choix de n’avoir aucun employé», résume la présidente de l’Associatio­n des radios communauta­ires du Québec, Tanya Beaumont.

CKIA s’est relevée, mais elle aura passé quatre ans sans employés, le temps de rembourser les dettes, de déménager et de se refaire une santé financière.

« Tout avait déboulé en même temps, se souvient M. St-Louis, qui est toujours président du conseil de CKIA. Ce n’était pas des montants faramineux, mais quand ton seul financemen­t récurrent c’est celui du ministère… On ne voyait pas la lumière au bout du tunnel. Il a fallu fonctionne­r à régime très, très réduit pendant plusieurs années pour arriver à s’en sortir.»

M. St-Louis, avec une petite équipe, a géré la crise pendant de longs mois, les soirs et les fins de semaine.

Estime-t-il que la mise à pied des employés était un bon choix? «C’est jamais un bon move. Quand il n’y a pas d’employés, il n’y a personne qui travaille sur ça à temps plein, qui a une connaissan­ce fine des dossiers. C’est nous qui signions les chèques, c’est nous qui achetions le papier de toilette, on a négocié le déménageme­nt… On l’a fait parce qu’on n’avait pas le choix.»

Un des principes qui ont encadré la relance de CKIA, dit Bryan St-Louis, c’était de ne pas «repartir trop vite». «On a bien fait le redémarrag­e, pour ne pas rester perpétuell­ement en crise. On aurait pu réengager des gens plus vite, mais est-ce que ç’aurait donné la radio qu’on voulait faire ? Peut-être pas. »

Redémarrer

Les choses vont beaucoup mieux aujourd’hui. CKIA a aujourd’hui cinq employés actifs. Seule l’émission Québec, réveille ! diffusée tous les matins de semaine, compte une équipe rémunérée.

La première à avoir été embauchée officielle­ment en 2014 est l’actuelle directrice générale, Lorinne Larouche.

«Je suis rentrée là-dedans un peu naïvement, et c’est peut-être ce qui a fait que j’ai eu du plaisir! rit-elle. Tout était ouvert, tout était possible, et la station, sa mission, ses valeurs, ça me rejoignait.»

Mme Larouche se définit plus comme une gestionnai­re que comme une bête de radio. C’est d’ailleurs ce dont CKIA avait besoin pour se relancer, estime-t-elle. «Tant que ça ne sera pas bien organisé, le reste ne tiendra jamais. »

L’autre approche qui lui a été chère a été de ramener CKIA à ses activités de base: la radio, et non pas la production de spectacles, ou l’organisati­on d’activités diverses. «On revient à l’essentiel de ce que nous sommes, c’est-à-dire une radio communauta­ire. Ç’a été ma ligne de pensée.»

En santé

Si CKIA va donc plutôt bien ces temps-ci, rien n’est jamais acquis, surtout pas son financemen­t, déplore Mme Larouche. Elle déplore le fait que les subvention­s se font bien souvent par projet, et pour un an.

«Les gouverneme­nts sont dans une logique où on ne veut plus que des organismes soient dépendants de la mamelle étatique, si je peux me permettre l’expression. […] J’apprécie le fait qu’on puisse aller chercher 50 000 $ pour un projet, mais l’année d’après, je dois tirer la plogue sur le projet parce que je ne peux pas [le refinancer]. Ça nous oblige à être continuell­ement en mouvement, et la radio est un média d’habitude, et donc on a de la misère à fidéliser nos auditoires.»

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