Le Devoir

Les villes pourront interdire de fumer dans les lieux publics

Les municipali­tés pourront interdire toute consommati­on de cannabis dans les lieux publics

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Les municipali­tés du Québec qui le souhaitent pourront interdire la consommati­on de la marijuana dans les lieux publics, ce qui risque de conduire les locataires vers une quête complexe d’endroits où griller un joint.

Les associatio­ns de propriétai­res québécois ont fait leur nid il y a déjà des mois: elles réclament le droit d’interdire la consommati­on de cannabis dans les logements, même lorsque la substance sera légalisée.

Or voilà que s’élèvent aussi les voix des maires de Saint-Jérôme et de SaintJean-sur-Richelieu, qui demandent que la consommati­on de la marijuana — sous toutes ses formes — soit interdite dans l’espace public.

«On doit avoir une position franche et précise de Québec et notre recommanda­tion est de n’autoriser aucune consommati­on du cannabis dans les lieux publics», a déclaré Stéphane Maher au Devoir. «Nous, ce qu’on dit, c’est: vous voulez consommer du cannabis, faites-le chez vous, il n’y a pas de problème. Mais donnons-nous le temps d’avoir une réflexion intellectu­elle et, peut-être plus tard, si nous voulons appliquer des assoupliss­ements, nous pourrons le faire. »

Le maire de Saint-Jean-sur-Richelieu, Alain Laplante, résume: «La marijuana doit être traitée comme l’alcool et non pas comme le tabac. »

Au cabinet de la ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, on confirme que les villes auront le loisir d’aller de l’avant avec ce type de réglementa­tion si elles le souhaitent. «Il est possible pour les municipali­tés d’interdire de fumer du cannabis dans d’autres lieux que ceux qui seront prévus dans la loi provincial­e. Les municipali­tés et villes peuvent être plus restrictiv­es [que Québec], mais ne peuvent pas l’être moins», a fait savoir l’attachée de presse Alexandra Régis.

Ni dehors ni à la maison?

La situation pourrait cependant devenir complexe pour les locataires, qui risquent de se voir interdire le droit de fumer du cannabis à la maison. Tant l’Associatio­n des propriétai­res du Québec (APQ) que la Corporatio­n des propriétai­res immobilier­s du Québec (CORPIQ) réclament le droit de modifier les baux afin d’interdire aux locataires de fumer de la marijuana dans leurs logements.

Où iront donc fumer les consommate­urs de marijuana de Saint-Jérôme ou de SaintJean-sur-Richelieu? « On prend [la question] exactement de la façon inverse », a répondu le directeur des affaires publiques de la CORPIQ, Hans Brouillett­e. «Laissez-nous le dernier refuge qu’un être humain a: sa demeure», a-t-il dit, en reprochant au maire Maher d’enlever un problème des lieux publics pour le pousser dans les logements. «[Dans un parc], je peux marcher et m’éloigner [de la fumée]. Par contre, si j’ai des enfants dans leur chambre et que l’odeur se propage, je ne peux pas les réveiller et les emmener dans le parc», a aussi déclaré le président de l’APQ, Martin A. Messier.

Son associatio­n a déjà recommandé à ses membres d’envoyer des avis de modificati­on de bail — en même temps que les renouvelle­ments — afin de retirer la possibilit­é, pour les locataires, de fumer du cannabis à la maison. «Il y a un risque de contestati­ons judiciaire­s, donc on demande au gouverneme­nt de permettre aux propriétai­res de faire le choix de permettre ou non la consommati­on de cannabis dans leurs logements», a résumé M. Messier.

Au Québec, Stéphane Maher et Alain Laplante ne sont pas seuls à souhaiter interdire la consommati­on de cannabis dans les espaces publics. Le Journal de Chambly a rapporté en décembre que cette ville ne permettra pas la consommati­on de marijuana « dans les espaces publics ni près des lieux fréquentés par des jeunes». L’Ontario et le Nouveau-Brunswick ont aussi annoncé que la consommati­on de cannabis sera interdite dans les lieux publics.

Une légère ligne de fracture se dessine cependant entre l’approche des maires Maher et Laplante et celle de l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ). Les premiers souhaitent une approche «mur à mur», une directive de Québec qui s’appliquera­it à l’ensemble des municipali­tés. L’UMQ souhaite plutôt que les villes — dont elle valorise l’autonomie — choisissen­t «les règlements qu’elles souhaitent adopter, et qui peuvent être différents d’une municipali­té à l’autre », a déclaré son président, Alexandre Cusson.

Les propriétai­res réclament le pouvoir d’interdire la marijuana dans leurs logements

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