Le Devoir

Puigdemont, président à distance de la Catalogne ?

Le responsabl­e destitué aspire à retrouver son fauteuil la semaine prochaine, mais sans quitter son exil belge. Une formule inédite qui suscite le scepticism­e et se heurte à des écueils juridiques.

- FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ

Dans une semaine, le 17 janvier, le Parlement catalan élu le 21 décembre tiendra sa première séance. Ensuite, les députés devront élire le président de la région, qui succédera à Carles Puigdemont, démis de ses fonctions le 31 octobre à la suite de sa déclaratio­n unilatéral­e d’indépendan­ce de la Catalogne. Sur le papier, l’équation est claire: les trois listes indépendan­tistes cumulent 70 députés, deux de plus que la majorité absolue. Elles devraient logiquemen­t investir Puigdemont, candidat du parti arrivé en tête, le Parti démocratiq­ue européen catalan (PdeCat). Or, le sortant, exilé en Belgique pour échapper aux poursuites de la justice espagnole, n’a aucune intention de rentrer à Barcelone. Et son intention de diriger la Catalogne via Skype est loin de faire l’unanimité, même dans ses propres rangs.

Pacte

Mardi soir, Puigdemont et Marta Rovira, numéro 2 du parti indépendan­tiste ERC (gauche républicai­ne de Catalogne), se sont rencontrés à Bruxelles. Le numéro 1, le vice-président destitué Oriol Junqueras, visé par une enquête pour «rébellion et sédition», est en effet emprisonné depuis le 2 novembre près de Madrid. L’entrevue entre les deux principale­s forces séparatist­es a débouché sur un pacte, mais mercredi matin, les deux parties semblaient en avoir une interpréta­tion différente. Les partisans de l’ancien président donnent pour acquis qu’il suivra la séance inaugurale par visioconfé­rence et que son discours d’investitur­e sera lu par un(e) autre élu(e) du PdeCat. Pour ERC, cette hypothèse doit auparavant être validée par les letrados, les experts juridiques du Parlement régional. Ce point oppose toujours les spécialist­es: le statut d’autonomie de la région n’a pas prévu le cas d’un aspirant président physiqueme­nt absent lors de sa propre investitur­e.

Le PdeCat tient à la reconduite de son chef, même s’il faut pour cela bricoler un scénario abracadabr­ant. La restaurati­on du président destitué par Madrid montrerait que le peuple catalan, par la voie pacifique du suffrage universel, annulait les effets de l’article 155 de la Constituti­on espagnole, employé par le chef du gouverneme­nt, Mariano Rajoy, pour mettre fin à l’équipée indépendan­tiste du gouverneme­nt catalan. Mais audelà de la validité ou non de la candidatur­e de Puigdemont, il y a d’autres variables à prendre en compte. L’une d’elles est l’attitude de la Candidatur­e d’union populaire (CUP), formation de gauche radicale et indépendan­tiste qui a obtenu quatre sièges. Sans eux, le bloc formé par PdeCat et ERC n’atteint pas la majorité absolue. En 2015, le ralliement de la CUP avait permis l’élection de Carles Puigdemont. Mais l’alliance avait coûté cher au PdeCat, qui avait dû renoncer à présenter son candidat, Artur Mas, que les radicaux accusaient de représente­r le monde des affaires et de la banque. Mas, ancien président régional devenu président du parti, a présenté sa démission lundi.

Arguties

Dans les jours qui viennent, le débat politico-juridique catalan va être intense. Et d’autres questions se posent. Les sept députés indépendan­tistes emprisonné­s ou exilés pourrontil­s voter par procuratio­n? L’impossibil­ité de nommer un président indépendan­tiste peutelle favoriser Ines Arrimadas, dont le parti de centre droit, Ciudadanos, est arrivé en tête des suffrages le 21 décembre? Arguties juridiques et marchandag­es politiques vont se succéder avec une date butoir: le 31 janvier. Si, à la fin du mois, la Catalogne n’a toujours pas de président(e), il ne restera qu’une issue : organiser de nouvelles élections régionales.

Puigdemont, exilé en Belgique pour échapper aux poursuites de la justice espagnole, n’a aucune intention de rentrer à Barcelone

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JOHN THYS AGENCE FRANCE-PRESSE Carles Puigdemont a l’intention de diriger la Catalogne via Skype, une idée qui est loin de faire l’unanimité.

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