Le Devoir

Labrecque, une caméra pour la mémoire: l’histoire du Québec

Sous forme de dialogue, le documentai­re raconte l’histoire du Québec à l’écran

- JÉRÔME DELGADO Collaborat­eur Le Devoir

LABRECQUE, UNE CAMÉRA POUR LA MÉMOIRE ★★★1/2 Documentai­re biographiq­ue de Michel La Veaux. Avec JeanClaude Labrecque. Québec, 2017, 94 minutes.

La voix douce, mais le ton sérieux — trop sérieux —, Jean-Claude Labrecque ne semble pas se plaire dans le rôle de l’interviewé. Il se prête au jeu, certes, sauf que… Cet homme de cinéma, qui a passé près d’un demi-siècle derrière la caméra (et non devant), n’est visiblemen­t pas habitué à se retrouver sous les projecteur­s.

Le malaise est palpable, surtout dans les premières scènes. Le film Labrecque, une caméra pour la mémoire, signé Michel La Veaux (Hôtel La Louisiane), est néanmoins un précieux document d’histoire et de cinéma. Et non, Jean-Claude Labrecque n’est pas un roc insensible. Au fur et à mesure de l’entretien — des entretiens —, l’expériment­é directeur photo et réalisateu­r esquisse un clin d’oeil, un sourire, un chagrin. Comme si tout avait été tourné en temps réel et qu’il finissait par céder.

L’impression est forte: Michel La Veaux, lui-même directeur photo avant d’être réalisateu­r (comme Labrecque), nous prend par la main pour un bon voyage en images, en paroles, en émotions. Faire le portrait de celui qu’il considère comme une référence, c’est revenir sur les balbutieme­nts du cinéma québécois, sur son implosion, sur sa portée identitair­e.

«Quand tu tournes un gros plan de visage, tu tournes un pays, tu perçois le pays», dit Jean-Claude Labrecque.

Ses débuts comme directeur photo, Jean-Claude Labrecque les faits auprès des Groulx (Le chat dans le sac) et Carle (La vie heureuse de Léopold Z.). Parmi ses premiers documentai­res figure La visite du général de Gaulle au Québec. Celui qui affirme avoir voulu «tourner des films pour nous autres» a touché autant à la culture (La nuit de la poésie 1970, avec Jean-Pierre Masse), qu’au sport (Les Jeux de la XXIe olympiade) et à la politique (À hauteur d’homme).

Le documentai­re commence par un explicite travelling: on y voit le rail sur lequel repose la caméra, qui avance, au rythme d’un paquebot en arrière-plan, vers un Jean-Claude Labrecque debout tel un monument. Porté par l’admiration et l’amitié, La Veaux livre un objet cinématogr­aphique bien rempli. Forme et contenu s’y complètent.

Le son des moteurs habite les images, comme si cette vie consacrée aux vues ne pouvait se passer de ce ronronneme­nt plus rassurant que dérangeant. Les nombreux extraits, La Veaux les filme parfois à travers la cabine de projection, parfois directemen­t devant l’écran.

Labrecque parle de technique, livre quelques-uns de ses secrets. Devant une vielle Arriflex, il admet avoir appris à voir sans viser. Il confie avoir toujours mis un point de lumière dans les yeux des acteurs, pour la brillance. Il n’a jamais cherché à imposer ses idées, préférant le silence à la discussion.

«Jamais eu de la difficulté à m’adapter. Je ne disais rien, j’étais un taiseux. Mais quand on mettait tout ça en branle, ça marchait. J’étais vraiment prêt », dit-il, au sujet de son travail pour Gilles Carle.

L’artiste a quand même dû se faire convaincan­t, tant auprès de Bernard Landry, sujet d’À hauteur d’homme, que du comité organisate­ur des Jeux olympiques. Michel La Veaux n’a pas cru bon faire témoigner d’autres pour le raconter. Tout passe par les mots et les images de Labrecque. Et par quelques bijoux de mise en scène de La Veaux, tel que celui qui ramène sa «référence» sur le terrain du Stade olympique, 40 ans après les faits. L’homme et son génie, simplement.

Cinéma Cartier

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ONF Dans le documentai­re, Jean-Claude Labrecque parle de technique, livre quelques-uns de ses secrets.

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