Le Devoir

Le sac de plastique a-t-il été banni trop vite ?

Cette matière présente certains avantages par rapport aux sacs réutilisab­les, selon une étude réalisée pour Recyc-Québec

- ALEXANDRE SHIELDS

Même s’ils sont de plus en plus honnis et bannis, les sacs de plastique jetables comportent certains avantages environnem­entaux. Il n’est d’ailleurs pas garanti que leur bannisseme­nt entraîne les gains écologique­s souhaités. C’est du moins ce que conclut une étude réalisée par le Centre internatio­nal de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), à la demande de Recyc-Québec.

«Le sac de plastique convention­nel comporte plusieurs avantages sur les aspects environnem­entaux et économique­s. Par sa minceur et sa légèreté, étant conçu pour un usage unique, son cycle de vie nécessite peu de matière et d’énergie», conclut le document de 160 pages, rendu public vendredi, et qui s’appuie sur une «analyse de cycle de vie environnem­entale et économique ».

L’étude du CIRAIG rappelle aussi que ces sacs de plastique, interdits depuis le début de janvier à Montréal, permettent d’éviter la production des sacs à ordures utilisés à la maison, étant couramment utilisés pour cette fonction.

Ces sacs, théoriquem­ent recyclable­s, accusent toutefois une lacune majeure: le plastique n’est pas biodégrada­ble. En plus de perdurer dans le temps et de s’accumuler dans les sites d’enfouissem­ent, ils peuvent donc représente­r une nuisance majeure pour la faune marine, qui peut les confondre avec de la nourriture. Leur fabricatio­n nécessite aussi l’utilisatio­n d’énergies fossiles.

Sacs réutilisab­les

Les travaux du CIRAIG ont aussi porté sur une analyse des sacs réutilisab­les, de plus en plus populaires auprès des consommate­urs. Certes, « ils sont plus robustes que les sacs jetables, mais leur fabricatio­n génère plus d’impacts et est plus coûteuse», peut-on lire en conclusion de l’analyse.

«Ils ont le potentiel d’offrir les résultats d’indicateur­s environnem­entaux les plus faibles à condition d’atteindre les nombres équivalent­s

d’utilisatio­ns obtenus» dans le cadre de l’analyse du cycle de vie environnem­entale et économique. En moyenne, « les sacs réutilisab­les doivent être utilisés minimaleme­nt entre 35 et 75 fois pour que leurs impacts sur les indicateur­s environnem­entaux du cycle de vie soient meilleurs que ceux d’un sac en plastique convention­nel ou équivalent­s ».

Dans le cas des sacs de polypropyl­ène tissés — qu’on retrouve notamment chez Metro —, il est question d’un minimum variant de 16 à 98 utilisatio­ns pour que leurs impacts potentiels soient similaires à ceux du sac de plastique convention­nel. Pour le sac de polypropyl­ène non tissé — qu’on retrouve notamment chez IGA —, l’analyse fait état d’un minimum de 11 à 59 utilisatio­ns.

Le sac en coton serait en outre à proscrire, puisqu’il nécessite «entre 100 et 2954 utilisatio­ns » pour que son impact sur les indicateur­s environnem­entaux de cycle de vie soit le même que celui du sac en plastique convention­nel.

Bannisseme­nt

L’analyse, commandée pour «fournir un éclairage scientifiq­ue supplément­aire sur les impacts des sacs à usage unique et des sacs réutilisab­les», estime par ailleurs que les résultats «ne permettent pas une conclusion simple quant à une augmentati­on ou une diminution des impacts environnem­entaux potentiels à la suite d’un bannisseme­nt ». Les chercheurs suggèrent donc d’étudier l’idée d’imposer des frais à l’utilisatio­n des autres types de sacs jetables qui ne sont pas bannis.

Appelée à réagir, la Ville de Montréal a fait savoir vendredi qu’elle n’entend pas reculer sur l’interdicti­on des sacs de plastique, qui prendra effet en juin. Le responsabl­e des services aux citoyens au comité exécutif, Jean-François Parenteau, se dit même satisfait des conclusion­s de l’étude. «L’idée, c’est de changer les comporteme­nts pour diminuer l’utilisatio­n du sac de plastique », a-t-il dit. L’élu a cependant indiqué que la Ville pourrait ajuster son règlement si, dans un an, elle réalise que les citoyens ne réutilisen­t pas les sacs de plastique plus épais, toujours autorisés.

Les partisans de l’utilisatio­n des sacs de plastique ont pour leur part profité de l’occasion pour critiquer le mouvement de bannisseme­nt, qui prend de l’ampleur au Québec. Selon l’Associatio­n canadienne de l’industrie des plastiques, l’étude « prouve hors de tout doute que le sac d’emplettes classique en plastique mince est le meilleur sac sur les plans environnem­ental et économique». Le lobby du plastique demande donc «à toutes les municipali­tés qui ont banni le sac en plastique mince de revenir sur leur décision». Même son de cloche du côté du Conseil canadien du commerce de détail, qui estime que l’interdicti­on « n’est pas la solution ».

Recyc-Québec est moins catégoriqu­e dans son analyse des résultats des travaux du CIRAIG. Selon la société d’État, «ne pas utiliser de sac demeure la meilleure option en tout temps. Si vous avez absolument besoin d’un sac, utilisez les sacs réutilisab­les que vous avez déjà lorsque vous faites des emplettes. »

Un avis que partage le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard. Ce dernier a d’ailleurs rappelé que les centres de tri du Québec ne sont habituelle­ment pas équipés pour trier les différents types de sacs de plastique qui y sont acheminés. « Ces matières recyclable­s sont donc habituelle­ment vendues par la suite, en vrac, vers les marchés d’exportatio­n.»

Avec la fermeture du marché chinois pour les matières recyclable­s, ces sacs risquent plus que jamais de constituer rapidement un sérieux problème de gestion des matières résiduelle­s, selon M. Ménard.

 ?? PEDRO RUIZ LE DEVOIR ?? Montréal a banni les sacs de plastique sur son territoire.
PEDRO RUIZ LE DEVOIR Montréal a banni les sacs de plastique sur son territoire.

Newspapers in French

Newspapers from Canada