Trip à quatre
Neuf mois tumultueux d’une trentenaire désinvolte qui porte l’enfant d’un couple gai
Avec son décor campagnard, ses personnages simples autant que sympathiques et ce profond désir de liberté, Diane a les épaules pourrait se confondre avec une comédie de Coline Serreau (Trois hommes et un
couffin, La crise). À la différence que, dans le premier long métrage de Fabien Gorgeart, point de revendications politiques ou de discours enflammés: une trentenaire désinvolte accepte de porter l’enfant d’un couple d’amis homosexuels, mais personne ici n’a l’impression de changer le monde, de réinventer la roue, de casser les vieux modèles.
Et ne cherchez pas un quelconque jugement moral sur le phénomène des mères porteuses ou sur les nouvelles dynamiques familiales, car il s’agit d’abord et avant tout du récit d’un long accouchement… psychologique. Diane, défendue par une étonnante Clotilde Hesme bien loin des univers plus ténébreux de Christophe Honoré et Philippe Garrel, accepte la proposition sans états d’âme, recluse dans une demeure en ruine qu’elle compte reconstruire… pendant sa grossesse. Or la présence de Fabrizio (Fabrizio Rongione, aussi sensible que chez les Dardenne), un électricien bienveillant, bouscule ses petites certitudes, et elle noue avec lui une idylle compliquée, à l’image de son caractère imprévisible, impulsif, indomptable.
Thomas (Thomas Suire) et Jacques (Grégory Montel), les futurs papas, voient cette présence amoureuse comme une menace, et Fabrizio, compréhensif, se révèle moins surpris par le fait que Diane est enceinte d’un autre (le scénario laisse planer un doute jamais éclairci à ce sujet) que par sa nonchalance à jouer à la cigogne avec un détachement suspect. Ces neuf mois, toujours gorgés de lumière et le plus souvent situés dans une campagne verdoyante, sont émaillés de quelques situations cocasses, toujours générées par cette Diane dont l’une des deux épaules est souvent disloquée, mais parfois tendus, à cause du tempérament explosif de cette maman pas très maternelle.
Effort parental
Les trois hommes de sa vie gravitent constamment à la périphérie de ce personnage aux contours quelque peu détestables, ce qui en fait une figure jamais banale, à qui le spectateur refusera un temps son affection. Fabien Gorgeart lui accorde toute son attention, l’observant sous toutes ses coutures (Clotilde Hesme a vécu les derniers mois de sa propre grossesse devant la caméra, ce qui ajoute à l’authenticité de la démarche), et surtout dans toutes ses contradictions, cigarette au bec, masse pour briser un mur et un verre de vin rouge pour chasser les blues.
Moins la chronique d’une époque qu’un portrait de femme qui prendra du temps à faire naître en elle une certaine maturité, Diane a les épaules se présente aussi comme la trajectoire sinueuse d’une mère pas très digne, mais diablement attachante. Celle qui se prétend capable de détacher sa tête de son ventre a tout de même beaucoup de coeur, belle héroïne de cinéma dont les défauts la rendent si humaine. Et si loin de cette tyrannie de la perfection parentale.
Diane a les épaules
1/2 Comédie dramatique de Fabien Gorgeart. Avec Clotilde Hesme, Fabrizio Rongione, Thomas Suire, Grégory Montel. France, 2017, 87 minutes.