«L’eau est arrivée comme une vague»
Des sinistrés attendent l’aide du gouvernement avec un certain scepticisme
Deux jours après la crue soudaine de la rivière Saint-Charles, les résidents de Duberger-Les Saules constatent l’ampleur des dégâts dans leurs résidences et espèrent que l’aide promise par le gouvernement ne sera pas trop décevante.
Le sous-sol de Jocelyn Vandal est un amoncellement d’objets brisés et souillés. Accessoires de pêche, meubles de jardin, boîtes de conserve, souvenirs d’enfance. Seule une vieille affiche de clown sur le mur semble avoir été épargnée. Comme pour se moquer de lui. «Je vais la jeter, je ne ris plus. »
La maison de M. Vandal est située à environ 50 mètres de la rivière Saint-Charles, en plein coeur de la ville de Québec. Samedi soir, le cours d’eau a décidé de passer par le sous-sol de sa maison qu’il a rempli jusqu’à un bon mètre de haut.
«L’eau est arrivée comme une vague», raconte l’homme qui était à l’extérieur quand la rivière est sortie de son lit. «Je vois de l’eau arriver. Une rivière de 4-5 pieds. C’est impressionnant. Je te jure que ça a sorti. T’es là, t’es figé. […] Ça montait, ça montait. »
À Québec, plus d’une trentaine de propriétaires du secteur sont dans la même situation, dont plusieurs ont dû être évacués durant la fin de semaine. Et ils ne sont pas les seuls puisque pas moins de 37 municipalités ont vécu des épisodes d’inondations. Outre Québec, les eaux
ont causé des dégâts notamment à Bécancour et à Drummondville, dans le Centre-du-Québec, mais aussi dans des municipalités des Cantons-de-l’Est, en Montérégie et dans Chaudière-Appalaches.
Lundi, le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a annoncé que le gouvernement viendrait en aide aux sinistrés, comme il l’avait fait pour les victimes des inondations du printemps dernier. À l’époque, pas moins de 291 municipalités avaient été touchées et 5300 résidences inondées.
«Je comprends parfaitement comment les gens se sentent», a déclaré le ministre lors d’une brève visite sur les lieux lundi en fin de journée. «Il y a des sommes qui vont pouvoir être décaissées très rapidement», a-t-il dit en parlant des sinistrés qui ont dû quitter leur maison pour résider à l’hôtel. « Après ça, il va falloir constater l’étendue des dommages. L’urgence, c’est de s’occuper des gens. Ensuite, il faudra faire les travaux nécessaires.» Une rencontre d’information devait d’ailleurs avoir lieu lundi soir pour informer les sinistrés de ce qui les attend sur ce plan.
Deux heures avant de s’y rendre, M. Vandal ne cachait pas son scepticisme. En 1981 aussi, sa maison avait été inondée. «Il y avait pour 22 500 $ de dommages, on a eu 2500 $. »
En fin de journée lundi, la Coalition avenir Québec (CAQ) a tenu à rappeler les ratés de l’opération d’indemnisation des inondations du printemps. « Il y a encore environ 150 familles qui sont en attente d’un suivi administratif pour la reconstruction de leur maison», a signalé la nouvelle députée Geneviève Guilbeault. «On espère ne pas revivre le même cauchemar. »
Selon un sondage SOM rendu public en décembre, 53% des sinistrés se disaient insatisfaits du programme d’aide du gouvernement du Québec mis en place à la suite des crues du printemps. Jusqu’à présent, le gouvernement a décaissé plus de 100 millions de dollars en indemnités pour ce seul événement.
Et maintenant?
En attendant la reconstruction et les indemnisations, le secteur était encore en bonne partie paralysé par les glaces lundi. Sur la rue Saint-Léandre en particulier, des voitures étaient figées dans un impressionnant couvert gris et plusieurs rues environnantes étaient toujours bloquées.
Personne n’était en mesure de dire quand les choses reviendraient à la normale, mais on observait néanmoins un certain progrès. «Le débit de la rivière a baissé énormément, ce qui nous permet de travailler, de contourner l’eau pour libérer des rues et des résidences», a expliqué l’expert en sécurité civile de la Ville de Québec Michel Therrien, en matinée.
Tout en soulignant que son équipe travaillait sans relâche depuis deux jours à briser les morceaux de glace et à les déplacer, M. Therrien a rappelé qu’il]s devaient procéder avec beaucoup de précautions afin d’éviter que l’embâcle ne se déplace « plus bas » et inonde de nouveaux secteurs.
Le risque d’une nouvelle inondation en aval dans le secteur de la rue Masson n’était d’ailleurs pas écarté lundi. Or, personne n’avait été évacué parce que, si ça s’avérait, cela ne serait pas subit, a-t-il précisé.
« On fait le maximum », a répété quant à lui le maire de la ville, Régis Labeaume, qui était aux côtés du ministre Coiteux en fin de journée. «Je sais évidemment que les sinistrés trouveront qu’on n’en fait pas assez, mais on ne peut pas en faire plus. La nature est là, on ne peut pas la défier à ce point-là… »
M. Labeaume, qui résidait tout près du site lors de l’inondation de 1981, a souligné qu’au moins, à l’époque, la crue n’avait pas été suivie d’un froid glacial. «C’est un épisode terrible pour les gens qui vivent là. Des inondations, c’est abominable en plein été. Imaginez avec les températures qu’on a… »
Pendant ce temps à l’hôtel de ville, le chef de l’opposition, Jean-François Gosselin, a reproché au maire en point de presse d’avoir tardé à se présenter en personne sur les lieux. «C’est la moindre des choses au moins de se déplacer. Je m’attendais à ce qu’il soit là dimanche », a-t-il dit. Interrogé à cet égard, le maire a rétorqué que la conseillère municipale du secteur, Dominique Tanguay, était là. «Ça ne servait à rien de faire du spectacle ici. Dominique était là à la journée longue. J’avais les informations au fur et à mesure. Il n’y a rien que je pouvais faire de plus.»