Une révolution en marche.
Fanny Ardant et Marion Cotillard, côté jardin, côté cour sur le sujet de l’heure
L’actrice française Marion Cotillard a ajouté sa voix à celles qui jugent absolument nécessaire le mouvement #MoiAussi.
Marion Cotillard, à l’extrême sensibilité toujours palpable, ne peut aborder la prise de parole des femmes qu’avec une émotion à fleur de peau. À ses yeux, ce mouvement #MoiAussi représente un total bouleversement, attendu, nécessaire. Elle l’appuie de tout coeur après avoir appelé au changement de mille voeux.
Si elle ne s’est pas reconnue dans les mots des cent signataires de la lettre parue dans Le Monde réclamant une liberté d’importuner qu’elles jugent indispensable à la liberté sexuelle, l’actrice n’entend pas pour autant leur couper la voix. « Je vais toujours appuyer la liberté d’expression, dit-elle, cela même si je désapprouve l’esprit de [ce] texte», a-t-elle confié vendredi à une poignée de journalistes, dont Le Devoir, tout en appelant très fort à la réalisation d’une révolution dans la foulée des #MoiAussi qui ont déferlé ces dernières semaines. Et pas que sur la planète cinéma.
Il est toujours captivant d’atterrir à Paris quand un dossier chaud hante l’esprit de la ville. Comme les journalistes étrangers sont invités chaque mois de janvier à faire des interviews avec les cinéastes et acteurs des films français attendus au cours de l’année au Québec, on finit chaque fois par poser la question de l’heure: il y a deux ans, c’était sur les récents attentats à Charlie Hebdo ; cette semaine, c’était sur le mouvement #MoiAussi et la lettre au Monde cosignée par Catherine Deneuve avec son lot de réactions incendiaires.
Juliette Binoche, qui recevait un prix-hommage d’Unifrance au ministère de la Culture, rue de Valois, était elle aussi à fleur de peau. «Parfois, je me suis sentie plus aimée ailleurs qu’en France, alors être consacrée par son pays est une belle chose», a-t-elle confié avant d’ajouter: «J’ai vu la caméra plus comme un révélateur que comme un miroir.» Dans son discours, elle a parlé vendredi d’espoir, comme si les portes de l’avenir s’ouvraient. Ce faisant, ses yeux se sont remplis d’eau.
Interviewées tour à tour le même jour, Fanny Ardant et Marion Cotillard, deux actrices différentes, deux icônes passionnées, ont soulevé le débat qui est sur toutes les lèvres. Offrant chacune une lecture éminemment personnelle de celui-ci.
Une révolution en marche
Marion Cotillard a travaillé avec le producteur Harvey Weinstein, notamment sur les films Nine et The Immigrant. Une photo où il la regarde comme un prédateur une proie a fait le tour du monde. En octobre, l’actrice de La vie en rose et de Juste la fin du monde s’était exprimée sur Instagram: «Le moment est venu de déconstruire ce système horrifiant. Le pouvoir ne donne pas le droit de commettre des crimes. »
Devant nous, elle a repris la parole: «Des voix s’expriment et invitent à de nouveaux questionnements, mais ils n’arrêteront pas la révolution en marche.»
«Nous, les personnalités publiques, sommes privilégiées, ajoute Marion Cotillard. On nous remarque quand on accuse des hommes. Car jusqu’à maintenant, seuls les hommes sont mis en cause. Dans mon métier, je peux vivre mes rêves à travers ceux de mes personnages. Mais c’est le pourcentage des gens qui ne sont pas acteurs ni actrices, qui travaillent au bas de l’échelle, ceux et celles qui vivent dans la peur, dont j’admire le courage de témoigner. Un mouvement comme celui-ci ouvre large la porte à la réflexion. Il peut nous permettre de nous révéler à nous-mêmes. J’espère surtout que nous pourrons enfin réconcilier la partie féminine et la partie masculine dans notre propre esprit. »
Fanny Ardant, toute en élégance et en générosité, survient ailleurs dans un entretien privé. Elle a trouvé inélégant la façon dont Catherine Deneuve a été traitée par les médias. «Aujourd’hui, on montre les gens du doigt. L’idée même de la liberté d’expression est bafouée. Quelle sorte de société est la nôtre qui s’exprime à travers le groupe et fait taire les voix qui dérangent? Ça fait peur. La frustration des gens se jette soudain sur une personne à abattre, puis une autre. La lettre que Deneuve a publiée par la suite n’était pas une lettre d’excuse, mais d’explication. Elle assume. »
Notre journaliste séjourne à Paris à l’invitation d’Unifrance.