J.-F. Lisée, J.-M. Aussant, le PQ et le référendum
Maintenant que le départ à la retraite de Nicole Léger rend disponible la circonscription de Pointe-auxTrembles, bon nombre de souverainistes fondent de grands espoirs — peut-être trop — dans le retour de Jean-Martin Aussant. Certains lui tiennent encore rigueur de sa désertion de 2011, mais le retour de l’enfant prodigue ferait le plus grand bien au moral des troupes, que le départ d’Alexandre Cloutier a encore miné davantage.
Pour avoir un effet véritablement remobilisateur, il faudrait toutefois que ce retour se traduise par un changement dans le discours du PQ. Jean-François Lisée a beau répéter que le report du référendum à un deuxième mandat ne signifie pas que la souveraineté est mise en veilleuse, l’échéance paraît trop lointaine et trop hypothétique aux yeux de plusieurs.
Il serait d’ailleurs illusoire de penser que M. Aussant rentrerait tranquillement au bercail en appuyant intégralement la position de son chef. Dans la situation précaire où se trouve le PQ, qui pourrait même perdre son statut de parti reconnu à l’Assemblée nationale, l’ancien chef d’Option nationale a le gros bout du bâton.
Sur le référendum, M. Lisée ne changera certainement pas d’idée. Rien n’empêcherait toutefois le PQ d’inclure dans sa plateforme électorale des «gestes de souveraineté» préalables à la tenue d’un référendum. Pour convaincre les sceptiques de monter dans ce qu’il dit être le «seul train menant à l’indépendance », il doit démontrer concrètement qu’il ne restera pas en gare pendant des années, ce dont son engagement de ne pas utiliser de fonds publics pour faire la promotion de la souveraineté donne l’impression.
Le PQ a tout intérêt à recréer la polarisation entre fédéralistes et souverainistes qui marginalisait la CAQ
En septembre 2014, M. Aussant avait fait parvenir au Devoir, de son exil londonien, une lettre intitulée Si j’étais militant péquiste dans laquelle il expliquait ce qu’il aurait attendu du successeur de Pauline Marois. Plusieurs y avaient même vu l’ébauche de sa propre plateforme.
On ne sait pas ce que Pierre Karl Péladeau aurait fait s’il était resté en poste. Lui-même ne le savait probablement pas. Ce que propose le chef actuel est cependant très loin de ce que demandait M. Aussant. Quand il disait espérer «qu’on ne redonne pas au même équipage le Costa Concordia », tout portait à croire que M. Lisée faisait partie de ces «naufrageurs entourageux» qu’il souhaitait ne pas voir trop près de la cabine du capitaine.
Ce qu’il écrivait à l’époque traduit parfaitement ce que plusieurs pensent toujours: «Je m’inquiéterais certainement qu’on propose de repousser l’audace à un deuxième mandat alors qu’elle n’aura jamais autant de traction qu’en arrivant au pouvoir. Retarder l’audace, c’est ne pas en avoir. Reporter une urgence, c’est ne pas la reconnaître. Je crois fermement que les convictions assumées peuvent encore faire gagner des élections. »
Avec une côte aussi abrupte à remonter d’ici le 1er octobre, M. Aussant ne se fait sans doute pas d’illusions sur les chances d’une victoire péquiste. Il s’agit plutôt de trouver le moyen de sauver ce qui peut encore l’être afin de préserver l’avenir.
Il est trop tard pour tenir ce «congrès de refondation duquel naîtrait un nouveau grand parti souverainiste avec des gens venant de tous les horizons », qu’il proposait dans sa lettre de 2014. C’est là une possibilité qu’il faudra peut-être envisager au lendemain de l’élection.
Il est certainement hors de question pour M. Lisée de se rallier à la variante de l’élection référendaire préconisée par Option nationale, qui proposait d’exercer, avant même la tenue d’un référendum, le pouvoir exclusif d’adopter les lois applicables au Québec, d’y collecter des impôts et de signer les traités internationaux le concernant. Bien des souverainistes attendent cependant plus d’un premier mandat péquiste que de simplement « restaurer les ressorts essentiels de la nation mis à mal par 15 ans de régime libéral ».
Rien ne ferait plus plaisir au premier ministre Couillard que de voir la souveraineté redevenir un enjeu de la prochaine élection, mais le PQ pourrait aussi y trouver son compte. Jean-François Lisée avait sans doute raison de penser que le PQ ne pouvait pas gagner l’élection en promettant de tenir un référendum dans un premier mandat, mais son report a favorisé essentiellement la CAQ, pour laquelle il est beaucoup plus facile d’incarner le changement aux yeux de ceux qui souhaitent se débarrasser des libéraux.
En réalité, le PQ a tout intérêt à recréer la polarisation entre fédéralistes et souverainistes qui marginalisait la CAQ, quitte à renvoyer au PLQ les fédéralistes qui, rassurés par le report du référendum, sont passés dans le camp caquiste. À moins que battre les libéraux lui apparaisse plus salutaire que d’empêcher sa propre marginalisation.