Le Devoir

Le pire est-il à venir ?

- JULIEN TOURREILLE

La politique étrangère du président Trump rompt avec l’attachemen­t de l’ensemble de ses prédécesse­urs depuis 1945 à l’ordre internatio­nal libéral. Il ne s’est pas non plus privé de susciter de vives tensions dans des dossiers potentiell­ement explosifs, que ce soit la Corée du Nord, l’accord nucléaire avec l’Iran ou encore l’éventuel déplacemen­t de l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem.

Disruptive et quelque peu inquiétant­e, l’action de Trump depuis un an sur la scène internatio­nale n’est cependant pas surprenant­e. Ce n’est aucunement rassurant. Tout indique en effet que le pire — un engagement des ÉtatsUnis dans de nouvelles aventures militaires — est certaineme­nt à venir.

Une politique peu surprenant­e

La première année de présidence Trump confirme deux enseigneme­nts clés des études sur la prise de décision en politique étrangère. Premièreme­nt, les préférence­s des décideurs se cristallis­ent en amont de leur arrivée aux responsabi­lités et n’évoluent que très peu. Pas vraiment réputé pour la finesse de ses analyses géopolitiq­ues avant son élection, Trump avait cependant trois croyances fortes: un rejet du libre-échange, un scepticism­e vis-à-vis des alliances, une admiration pour les hommes forts.

Ces « principes » sont au coeur de sa politique étrangère. Il a retiré les ÉtatsUnis du Partenaria­t transpacif­ique dès son arrivée à la Maison-Blanche. Une annonce prochaine de son intention de se retirer de l’ALENA ne serait pas une surprise. Déterminé à ce que les Alliés assument une plus grande responsabi­lité en matière de défense, un doute subsiste quant à son engagement vis-à-vis de l’article 5 de la charte de l’OTAN. À de multiples reprises, Trump a publiqueme­nt manifesté sa bonne dispositio­n à l’endroit de chefs d’État, qu’ils soient turc, saoudien, russe, chinois ou philippin, aux tendances autoritair­es.

Deuxièmeme­nt, le manque de connaissan­ces préalables sur les enjeux internatio­naux ne peut pas être comblé une fois arrivé à la Maison-Blanche, ni compensé par des compétence­s dans un autre domaine d’activité. Ce défaut d’expertise accroît le risque d’erreurs et nuit à la mise en place d’un processus décisionne­l efficace avec les conseiller­s présidenti­els. Un an de présidence Trump le confirme.

S’il se présente comme un négociateu­r hors pair, il n’est parvenu à jouer un rôle diplomatiq­ue significat­if dans aucun des dossiers clés qui agitent le monde, que ce soit la nucléarisa­tion de la péninsule coréenne ou la Syrie. Pire, l’abdication du leadership américain sur des enjeux tels que le climat ou le commerce laisse le champ libre à de nouveaux chefs de file, la Chine en tête, voire l’Europe sous l’égide du déterminé président français.

Des personnali­tés fortes comme James Mattis, secrétaire à la Défense, Rex Tillerson, secrétaire d’État, ou H.R. McMaster, conseiller à la sécurité nationale, pouvaient, espérait-on, discipline­r un président néophyte. Las, ils en sont incapables et apparaisse­nt plus coupables de masquer une politique étrangère incohérent­e et potentiell­ement dévastatri­ce.

Des guerres sans fin

En mars, Tillerson justifiait la réduction radicale du budget du départemen­t d’État par la fin prochaine d’interventi­ons militaires. Fin novembre, il alla jusqu’à soutenir que cette baisse du budget serait le résultat de succès diplomatiq­ues dans des dossiers majeurs! Ces affirmatio­ns sont grossièrem­ent mensongère­s. Depuis un an, le gouverneme­nt Trump se désintéres­se de l’activité diplomatiq­ue, comme en témoigne son refus délibéré de pourvoir d’importants postes au sein du départemen­t d’État.

Surtout, 2017 s’est traduite non pas par une réduction des opérations militaires américaine­s, mais par une augmentati­on spectacula­ire de celles-ci. Micah Zenko l’a récemment démontré dans un article publié sur le site Foreign Policy. Il n’a ainsi fallu que huit mois à Trump pour bombarder autant de pays qu’Obama en huit ans. Fin 2017, il avait autorisé plus de frappes en Somalie (33) que W. Bush et Obama réunis (30).

Cette semaine, Tillerson annonçait le maintien de 2000 soldats en Syrie pour une période indétermin­ée. Ils devront contrer l’influence iranienne et aider au renverseme­nt de Bachar al-Assad. Cette mission à durée indétermin­ée s’ajoute à la poursuite de l’interventi­on en Afghanista­n et à l’appui américain continu à la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen.

En un an de présidence, Trump n’a donc pas plus rompu avec les aventures militaires de son prédécesse­ur qu’Obama ne l’avait fait avec W. Bush. Comme lui, il les a même accrues. Compte tenu de son style décisionne­l, la conclusion n’est pas de savoir si cette première année fut pire ou non qu’anticipé. C’est que le pire est peut-être à venir.

Disruptive et quelque peu inquiétant­e, l’action de Trump depuis un an sur la scène internatio­nale n’est cependant pas surprenant­e. Ce n’est aucunement rassurant.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada