Le Devoir

Aliments biologique­s : la protection du consommate­ur menacée

- MARCEL GROLEAU Président général de l’Union des producteur­s agricoles DANIEL DUBUC Président de la Filière biologique du Québec CAROLINE POIRIER Présidente de la Coopératio­n pour l’agricultur­e de proximité écologique (CAPE) SIDNEY RIBAUX Directeur géné

L’espace de plus en plus important consacré aux produits biologique­s dans nos supermarch­és signale une tendance de fond. Selon l’Associatio­n pour le commerce des produits biologique­s du Canada, quelque 66% des consommate­urs canadiens achètent des aliments «bios» sur une base hebdomadai­re. L’évolution positive du réseau des fermiers de famille d’Équiterre, qui facilite la vente directe de légumes et autres produits biologique­s (paniers bios), est un autre exemple qui témoigne de la croissance du secteur. Il y a lieu de s’en réjouir, d’autant plus que la valeur ajoutée de la production biologique engendre des retombées positives pour nos milieux ruraux, contribuan­t ainsi au développem­ent durable de l’économie.

La norme biologique canadienne (NBC), mise en place par le gouverneme­nt fédéral en 2006, contribue grandement à ce succès. Elle en est même la pierre angulaire, car elle est à la base de l’ensemble du système de réglementa­tion entourant les produits biologique­s au pays, tant pour les produits vendus hors de leur province d’origine que pour les produits importés.

Plus précisémen­t, le Régime Bio-Canada balise les exigences que doivent respecter les producteur­s agricoles et les transforma­teurs alimentair­es canadiens, assure la certificat­ion des produits, garantit aux consommate­urs d’ici et d’ailleurs que les allégation­s sont véridiques et permet à nos entreprise­s d’accéder aux marchés internatio­naux. Pensons notamment aux filières canadienne­s des canneberge­s, des bleuets et de l’érable, dont les produits biologique­s s’illustrent à l’étranger.

Financemen­t de la norme

Malheureus­ement, la NBC est en péril. Comme toutes choses relevant du vivant, les systèmes alimentair­es entourant les produits biologique­s évoluent dans le temps. C’est pourquoi les exigences gouverneme­ntales prévoient une révision obligatoir­e de la NBC d’ici 2020, faute de quoi elle devra être archivée et deviendra caduque.

Pour assurer le respect du processus, les producteur­s et les consommate­urs doivent être consultés, des comités mis en place, des validation­s agronomiqu­es effectuées et des consensus au sein de l’ensemble de la chaîne de valeur atteints. Or, le gouverneme­nt fédéral n’a prévu aucun budget pour assurer cette révision, même s’il en est responsabl­e. La facture serait alors refilée directemen­t aux entreprise­s, même si celles-ci paient déjà la certificat­ion.

Cette charge financière additionne­lle, au moment où le secteur biologique prend son envol au pays, est fortement dénoncée par les producteur­s agricoles et les transforma­teurs alimentair­es. D’autant plus que d’autres juridictio­ns, comme les États-Unis et l’Union européenne, financent entièremen­t le maintien de leurs normes biologique­s respective­s. Il appartient en effet à l’État d’assurer l’intégrité des normes et de protéger les consommate­urs contre la fraude alimentair­e.

Le gouverneme­nt fédéral a donc une décision importante à prendre: continuer de protéger l’intégrité, la légitimité et la crédibilit­é des produits biologique­s au Canada en assumant pleinement ses responsabi­lités financière­s ou transmettr­e aux entreprise­s du secteur les frais liés à la révision de la NBC, mettant de facto en danger la viabilité du secteur biologique canadien, constitué en grande partie de très jeunes entreprise­s.

Étant donné l’ampleur de l’enjeu, les producteur­s, les transforma­teurs, les distribute­urs, les détaillant­s et les consommate­urs canadiens sont en droit de demander au gouverneme­nt du Canada d’assurer entièremen­t le financemen­t des travaux de révision de la NBC. Il appartient aussi au gouverneme­nt du Québec d’exercer le leadership approprié pour que ce financemen­t soit assuré. Grâce à notre système réglementa­ire rigoureux, l’appellatio­n biologique canadienne est fiable et reconnue partout dans le monde. Le gouverneme­nt canadien doit ainsi décider dès maintenant s’il souhaite en assurer la pérennité ou s’il préfère être complice d’une plus grande confusion chez les consommate­urs et freiner le développem­ent du secteur.

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