Maria Hupfield et ses rituels feutrés
La Galerie de l’UQAM accueille la première grande exposition de l’artiste ontarienne
Les honneurs d’une exposition itinérante pancanadienne, qui ira même au-delà des frontières (à Paris en 2019), ne font pas de doute : Maria Hupfield est devenue la grande figure de l’art autochtone. À 42 ans, et malgré un historique restreint d’expos individuelles.
Lancée en 2017 par le centre The Power Plant, à Toronto, l’exposition
Celle qui continue de donner s’arrête à la Galerie de l’UQAM pour la troisième de cinq présentations. Elle n’est pas une rétrospective, mais n’est pas non plus une affaire de choses nouvelles. Avec une quinzaine d’oeuvres, elle donne cependant la pleine mesure d’un travail porté par les thèmes de la mémoire, du territoire et de la collectivité, thèmes culturellement autochtones.
Issue de l’art de la performance, Maria Hupfield mélange avec naturel différentes formes de représentation. Au coeur de ses vidéos et de ses installations, on retrouve le corps (le sien souvent, mais pas uniquement) et des objets à portée symbolique. Il y est beaucoup question d’interprétation et d’expérience d’un lieu.
Les objets, traditionnels ou fabriqués par Hupfield, notamment avec du feutre industriel, sont des êtres en soi. Ils ont le potentiel, dit-elle dans un entretien publié dans le catalogue de l’exposition, « d’acquérir une conscience ». « Quand un objet n’est pas activé, je le considère comme au repos», précise l’artiste d’origine anichinabée.
L’expo montée par Carolin Köchling, conservatrice à The Power Plant, regorge d’objets en repos, puis activés en vidéo. À la Galerie de l’UQAM, elle débute par Spirale de
clochettes (2015), sorte de châle en feutre, suivie par l’installation Contenir cette force (2013), composée de répliques, en feutre aussi, de sept articles de collègues artistes. L’oeuvre titre de l’expo, Celle qui
continue de donner (2017) — traduction du nom anichinabé de la mère de l’artiste —, occupe comme il se doit une place centrale. Il s’agit d’une double projection vidéo pour laquelle Hupfield et des membres de sa famille se donnent en spectacle, autour d’une peinture académique de la maman en question.
Les deux écrans se font face, obligeant le visiteur à se placer entre eux, mais leurs images se suivent, comme dans une boucle infinie. Si la signification des danses, chants et gestes filmés peut nous échapper, le respect et la relecture du passé sont palpables. On sent que le propos vise aussi à casser le plafond de verre qu’a longtemps représenté l’art contemporain pour les Premières Nations.
Les rituels marquent fortement les oeuvres de Maria Hupfield, mais l’artiste évite le cliché folklorique en
misant davantage sur l’ambiguïté et sur l’appropriation qu’elle-même fait de références non autochtones. Le feutre, si associé à Joseph Beuys, pape de l’art contemporain, n’est plus seulement une matière conceptuelle qui évoque la protection. Il a aussi une fonction de détournement, notamment à l’égard de ces cassettes, chapeau ou autres canot déformés sous ce textile mou, gris et neutre.
Couleurs pop dans la petite salle
L’autre expo qui inaugure l’année à la Galerie de l’UQAM réunit les images fortes en couleurs pop de Michelle Bui. C’est une belle découverte à laquelle on est conviés, comme seul le diffuseur universitaire peut faire en exposant des finissants du programme de maîtrise en arts visuels et médiatiques.
Dans Pool of Plenty, l’artiste propose un univers à la croisée du naturel et du fabriqué, du réel et de l’imaginaire. Michelle Bui crée des assemblages d’objets qu’elle photographie ensuite dans des mises en scène simples et pourtant hautement théâtrales. Les couleurs en toile de fond et l’éclairage sont fortement mis à contribution.
Entre la nature morte et des compositions anthropomorphiques, les images grand format de Bui jouent sur plusieurs plans. La pyramide dans Des poires et des oranges séduit, pendant que les textures indéfinies de Parlor Altar repoussent. Il y a dans cet ensemble de dix oeuvres autant de la pub que de l’autel, de la mise en marché de produits impossibles que de la bricole faite à l’ombre des regards.
Celle qui continue de donner et Pool of Plenty
Respectivement de Maria Hupfield et de Michelle Bui, à la Galerie de l’UQAM (1400, rue Berri), jusqu’au 3 mars.
Les rituels marquent fortement les oeuvres de Maria Hupfield, mais l’artiste évite le cliché folklorique en misant davantage sur l’ambiguïté et sur l’appropriation qu’ellemême fait de références non autochtones