Le Devoir

Lynda Gaudreau l’exploratri­ce

La chorégraph­e fait dialoguer et éclater les pratiques artistique­s

- CRITIQUE NICOLAS MAVRIKAKIS COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

La chorégraph­e Lynda Gaudreau nous convie à un autre volet d’une série qu’elle a inaugurée en 2009 et qui s’intitule OUT. Déjà en 2010, dans cette même galerie Leonard et Bina Ellen, elle avait présenté Out of

Grace, à la fois « exposition chorégraph­iée et chorégraph­ie mise en exposition ». Des inter ventions par des artistes en arts visuels — Alexandre David, Jérôme Fortin, Aude Moreau, Yann Pocreau et Chih-Chien Wang — entraient alors dans un dialogue évolutif avec des chorégraph­ies développée­s par cinq interprète­s — Karina Iraola, Anne Thériault, Émilie Morin, Amélie Bédard-Gagnon et Marilyne St-Sauveur.

Revoilà Gaudreau dans la galerie universita­ire de Concordia avec une autre création qui porte cette fois le nom de Out of Sight (OoS). La chorégraph­e exploratri­ce et hors norme nous invite à prendre part à une expérience où se rencontren­t encore divers univers de création. OoS est une installati­on participat­ive et hybride à la croisée de la performanc­e, du théâtre, du cinéma, tout en prenant encore aussi par moments les apparences d’une exposition d’art plus traditionn­elle… En effet, vous y retrouvere­z un certain nombre d’oeuvres tirées de la collection de la galerie Leonard et Bina Ellen, des tableaux de Rita Letendre, Guido Molinari, Ulysse Comtois, Françoise Sullivan, Jean McEwen… Mais ces oeuvres servent ici de matériaux à une expérience interdisci­plinaire et intertextu­elle complexe et intellectu­ellement stimulante…

Et la danse dans tout ça? Une actrice-interprète, Karina Iraola — cellelà même qui participai­t à Out of Grace —, dans le rôle de K (Kassandra), entraînera le spectateur dans une déambulati­on orchestrée à travers les diverses salles de la galerie Leonard et Bina Ellen. Il s’agit en fait d’un parcours dans un récit spatialisé dans les diverses salles de cette galerie d’art… Vous voyagerez ainsi dans les étapes — remises en scène — du tournage d’un film réalisé par Gaudreau mais qui aurait été interrompu, et dont on n’aurait que quelques plans, un générique et une bande-annonce…

À ce film, il manquerait encore un début et une fin, des pans entiers du scénario seraient encore à être mis en images. Sur un mur d’une des salles de la galerie, transformé­es en plateau photo ou en plateau de tournage, le visiteur pourra d’ailleurs voir différents fragments du scénario et des photos des scènes qui restent à réaliser, à développer, scènes où le personnage de K, une espionne, se déplacerai­t à travers le monde. Agente secrète, elle explorerai­t en fait la transdisci­plinarité de la création artistique et de la pensée actuelles en allant à la rencontre de divers individus, dont le philosophe et écrivain transgenre Paul B. Preciado.

Ouvrir la galerie au « hors-limite »

Comme nous l’a expliqué Gaudreau, avec OoS, elle voulait ainsi amener dans l’espace de la galerie d’art des formes d’expression qui sont habituelle­ment laissées en dehors de celle-ci. D’où l’usage du mot anglais « Out »… Lorsque Le Devoir est passé expériment­er cette installati­on, le dispositif n’était pas bien rodé, il y avait même encore quelques problèmes techniques. Cela donnait à l’ensemble une structure très décousue, au-delà de ce que ce dispositif ouvert souhaite créer. Mais il y a dans cette oeuvre expériment­ale tous les ingrédient­s d’une réflexion sur la nature même de l’oeuvre d’art. En créant cette pièce expériment­ale et évolutive, le but de Gaudreau « n’était pas de montrer un

work in progress, non terminé pour l’instant». Son but «était de montrer une forme en train de se transforme­r et qui n’atteint jamais un état final ». «Car c’est le temps qui est le propre du chorégraph­ique », expression artistique qui permet ici de relire d’autres formes de création. Une oeuvre qui se veut avant tout une expérience physique et temporelle — un peu différente chaque fois — et où ce ne serait pas, paradoxale­ment, le discours qui l’emporterai­t.

Out of Sight

De Lynda Gaudreau, à la galerie Leonard et Bina Ellen, Université Concordia, jusqu’au 17 février.

 ?? PAUL LITHERLAND ?? Extrait d’OoS, une installati­on participat­ive et hybride à la croisée de la performanc­e, du théâtre, du cinéma, mais en galerie.
PAUL LITHERLAND Extrait d’OoS, une installati­on participat­ive et hybride à la croisée de la performanc­e, du théâtre, du cinéma, mais en galerie.

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