Dany Laferrière
Autoportrait de Paris avec chat : retour à l’essentiel pour l’immortel
C’est un cauchemar pour les journalistes, un homme affable, souriant, plutôt ouvert à la conversation, mais qui au final ne parle pas trop, élude les questions pour ne jamais se dévoiler vraiment, cite pour se cacher derrière les points de vue des autres, les grands de préférence, comme pour s’inscrire sur la même hauteur.
Dany Laferrière en dit peu, car il préfère se raconter en l’écrivant dans des livres, dit-il. Une chose qu’il fait depuis plusieurs décennies, mais qu’il va faire cette année pour la première fois depuis qu’il est devenu académicien. Quand? En avril prochain. Où? Dans Autoportrait de
Paris avec chat (Boréal/Grasset). 320 pages pour un roman atypique «calligraphié et dessiné à la main» par l’enfant chéri de Petit-Goâve devenu illustre à Montréal, puis immortel à Paris. Il y a bien pire destin. Il faudrait peut-être replonger dans L’art presque perdu de ne rien faire (Boréal), sorte d’autobiographie par ses idées, pour retrouver les balises sur les chemins de sa création, celles qui mènent sans doute à ce récit tout en texte et en dessins où l’homme promet de se dévoiler par ses lectures, par les écrivains qui convergent et ont convergé un jour vers la Ville lumière, ville des lettres, «ville où il y a le plus de livres au monde », écrit-il.
«Nous parcourons les rues avec Léon-Paul Fargue et Gérard de Nerval, résume l’éditeur. À Clichy, Henry Miller flotte dans sa baignoire. Place de la Sorbonne, c’est François Villon qui rappe en compagnie de Doc Gynéco et de MC Solaar, tandis qu’au Ritz, John Updike interviewe Coco Chanel pendant qu’Hemingway se soûle au bar.» Joli programme.
Habile conteur ou habile manipulateur?L’ un ne va sans doute pas
sans l’autre chez Dany Laferrière, dont Autoportrait de Paris avec chat promet de transporter aussi le lecteur, immanquablement, à Montréal, la ville qui l’a fait, tout comme à Petit-Goâve, où il rend visite à Legba, « le dieu des écrivains, celui qui sépare le monde visible du monde invisible ».
Ce dieu aussi qui, un jour de 1985, a rendu visible Dany Laferrière avec une recette salvatrice pour faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, puis avec son Éroshima, son Goût des jeunes filles, sa Chronique de la dérive douce, son Énigme du retour.
Et ce, dans un tout qui passe par l’inlassable réécriture des grandes questions universelles pour donner cette impression d’intimité, qui laisse une pensée en fragments défier la logique de superficialité et affirme une singularité traversée surtout par les influences de toutes les autres.