Arundhati Roy
Bien malin qui oserait mettre une seule étiquette sur les fictions littéraires venues d’époques, de langues et d’horizons différents à paraître en traduction cet hiver
Le ministère du Bonheur suprême est un retour à la fiction vingt ans après
Le dieu des petits riens. Née en 1961, architecte de formation, Arundhati Roy a travaillé comme actrice et scénariste pour le cinéma et la télévision en Inde, avant de connaître un succès tant critique que commercial avec son premier roman, Le dieu des
petits riens (Gallimard, 1998), qui lui a valu le prestigieux Booker Prize en 1997 et s’est écoulé à plus de six millions d’exemplaires.
Inspiré en grande partie de son enfance au Kerala, une région culturellement riche et bigarrée du sudouest de la péninsule indienne, le roman racontait l’histoire de deux jumeaux de sept ans qui voyaient leur destin séparé par un événement tragique.
Une histoire qui a su envoûter bien des lecteurs, séduits autant par l’imaginaire de l’auteure que par son écriture sensuelle et poétique.
Depuis, Arundhati Roy semblait s’être incarnée surtout en fervente militante altermondialiste, enchaînant les textes de combat et les essais sur le capitalisme (Capitalisme: une histoire de fantômes, Gallimard, 2016), la globalisation et la démocratie (La démocratie: notes de campagne, Gallimard, 2011). Elle a combattu les saccages écologiques et la politique nucléaire du gouvernement indien, pris position en faveur de l’indépendance du Cachemire, a partagé le quotidien de rebelles maoïstes dans la jungle et s’est prononcée contre les dérives du nationalisme hindou.
Dans ce pays de 1,2 milliard d’habitants, hanté par ses fantômes autant que par sa démographie, sa parole est courageuse et lui a valu déjà un certain nombre d’ennuis.
Vingt ans plus tard, sans surprise, Le ministère du Bonheur suprême (Gallimard) prend la forme d’un véritable événement. Celle que le magazine Time décrivait en 2014 comme la «conscience de l’Inde», la faisant figurer dans sa liste des 100 personnes les plus influentes du monde, nous revient semble-t-il en force. Le ministère du Bonheur suprême raconte la vie d’Anjum, une hermaphrodite qui a élu domicile dans un cimetière où elle a recueilli un bébé. Des vieux quartiers encombrés de Delhi jusqu’aux montagnes du Cachemire, son deuxième roman met en scène des dizaines de personnages dont les destins s’entrecroisent, tout comme s’y mêlent le merveilleux, le tragique et les violences.
Avec ses talents de magicienne et de
conteuse, Arundhati Roy y déroule une véritable courtepointe d’histoires et de digressions. Une fresque un peu baroque où l’écrivaine de 56 ans, qui vit aujourd’hui à Delhi, semble renouer de façon magistrale avec la fiction.