La menace des empires
Entre enquête et regard lucide, les essais d’ailleurs saisissent la complexité du présent
Tandis que Donald Trump tonne contre une critique de sa présidence,
Fire and Fury, de Michael Wolff, publiée en anglais (Holt), des essais, cette fois écrits en français ou traduits dans notre langue, pourraient aussi faire des vagues.
L’enquête de la rentrée
Les hommes du Kremlin, dans le cercle
de Vladimir Poutine, succès de librairie du journaliste russe Mikhail Zygar (Cherche midi) constitue, à l’aide d’interviews comme dans l’enquête américaine de Wolff, une histoire critique du pouvoir. Très prisée par une compatriote de Zygar, Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de littérature et adversaire de Poutine, l’édition originale aurait, selon l’opposition au régime, coûté à l’auteur son poste à la seule chaîne indépendante de télévision d’information de Russie.
Le regard lucide à surveiller
De son côté, Jean-Pierre Filiu, spécialiste français du monde arabo-musulman, dans son provocant Généraux,
gangsters et jihadistes (La Découverte), lève le voile sur une contre-révolution dans laquelle militaires, criminels et tenants de la guerre sainte s’amalgament pour effacer tout espoir démocratique issu du Printemps arabe de 2010-2012. Une analyse d’une crise du pouvoir dans une société encore plus déchirée que ne le sont celles des États-Unis et de la Russie.
La biographie du début d’année
Quant à Jürgen Habermas. Une biographie, du sociologue allemand Stefan Müller-Doohm (Gallimard), il met en parallèle la pensée et les interventions du plus célèbre des philosophes allemands vivants. Il traite notamment du patriotisme constitutionnel défendu par Habermas pour construire une Europe ouverte aux minorités musulmanes en son sein. Ce principe s’oppose aux relents de nationalisme et de populisme, honteux retours en arrière.
Le mot de l’année
Pour lutter contre le gel de la pensée qui menace les quatre coins du monde, il ne faut pas craindre le mot clé de l’avenir de l’humanité: changement. Voilà ce que suppose Thomas C. Durand, écrivain français et docteur en physiologie végétale, dans L’ironie de
l’évolution (Seuil) en soutenant que les idées reçues «sont nos ennemis les plus redoutables ». Selon Durand, c’est la très lente histoire du cerveau humain qui explique la difficulté d’accepter la théorie de l’évolution.
L’objet atypique de la rentrée
Français lui aussi, Ivan Jablonka, historien en plus d’être écrivain, montre, en publiant En campingcar (Seuil), autoportrait axé sur les vacances et l’enfance, que l’on peut concilier sciences sociales et création littéraire. Par ses origines, le petit-fils de Juifs polonais exterminés à Auschwitz évoque, de Washington à Moscou, en passant par le monde arabe et la percée en Europe de nationalismes très xénophobes, les dangers que présenteraient les empires plus ou moins assumés, parfois tout simplement rêvés.
Le Français Jean-Pierre Filiu lève le voile sur une contre-révolution dans laquelle militaires, criminels et tenants de la guerre sainte s’amalgament pour effacer tout espoir démocratique issu du Printemps arabe