Le yoga tout-terrain
Cet hiver, oubliez les classes de yoga chaud à près de 40 °C. Ici, la température ambiante passe sous le point de congélation. Ils sont des dizaines à se donner rendez-vous toutes les fins de semaine dans les parcs de Montréal pour adopter la posture du guerrier les deux pieds dans la neige.
Le «snowga», comme son nom l’indique, invite les yogis à sortir des studios et à pratiquer leur activité préférée dans un décor hivernal. Il n’y a plus aucune raison de détester l’hiver: l’air pur et frais qui emplit les poumons, les muscles qui se réchauffent tranquillement au rythme des mouvements.
D’ailleurs, comment composer avec le froid alors que le yoga exige souplesse et flexibilité? «On adopte principalement des postures debout pour accélérer la circulation sanguine pour s’assurer de rester bien au chaud. Je demande aux participants d’aller moins loin dans les mouvements. On s’assure que ce soit sécuritaire, tout en gardant un aspect tonique», assure Marie-Ève Bertrand de POP Spirit. Depuis quatre ans, elle et son équipe font sortir les Montréalais de leur chaumière pour venir pratiquer le yoga en plein air tout l’hiver, et ce, gratuitement.
Chaleur comprise
Ne vous y méprenez pas. Le défi reste de taille, particulièrement sur un couvert neigeux. L’équilibre est mis à rude épreuve alors que le sol est plutôt irrégulier. Le vent peut venir vous fouetter le visage et perturber votre salutation au soleil ou votre posture de l’arbre. C’est pourquoi POP Spirit conseille de laisser son esprit de performance à la maison. «On se prend beaucoup moins au sérieux que dans un cours de yoga plus traditionnel, rassure la professeure de yoga certifiée. On est là pour se faire du bien, pour connecter avec les éléments. On sent toujours une petite frénésie et il y a un véritable aspect ludique. »
Le rendez-vous est programmé aux parcs Laurier et La Fontaine chaque fin de semaine. Il faut dire que l’activité attire son lot de curieux. «À l’âge adulte, c’est rare qu’on se roule dans la neige à moins d’avoir des enfants, avance MarieÈve Bertrand pour expliquer cet engouement. Il y a un certain retour en enfance et ça permet de s’approprier la saison. Les gens nous disent qu’ils ne seraient pas sortis de la maison si ce n’était pas du cours aujourd’hui. »
Aux États-Unis, les réseaux sociaux pullulent de skieurs et de planchistes qui effectuent quelques positions de yoga comme échauffement avant de prendre d’assaut les montagnes.
L’entreprise POP Spirit a agi comme véritable pionnière de la pratique de ce yoga blanc dans la province. «J’ai vu la photo d’une skieuse du Colorado qui a utilisé le terme “snowga”, explique Marie-Ève Bertrand. Elle faisait une posture de yoga avec ses bottes de snow sur une montagne. Ça a été une évidence pour moi. Je devais partager cette nouvelle mode au Québec. »
Dehors, toute l’année
La pratique du yoga en extérieur rejoint de plus en plus d’adeptes. Marie-Ève Bertrand est bien placée pour constater cet engouement, elle qui ne possède pas de studio de yoga et offre la majorité de ses cours en plein air. « Une fois que les gens découvrent le “snowga”, ils deviennent accros. Ils voient tout de suite le bien-être que ça leur procure, constate-t-elle. À l’extérieur, on est en immersion. On ressent les sensations du vent, du chaud, du froid. Ça rejoint beaucoup la philosophie du yoga. On exécute des postures, mais ça nécessite aussi une posture intérieure, un alignement du corps et de l’esprit », croit-elle.
L’été, le froid constitue un obstacle de moins à la pratique du yoga à l’extérieur. Dès la fonte des neiges, les adeptes émergent des studios ou de leur salon pour profiter des premiers rayons de soleil estivaux. De nombreux parcs au Québec offrent par ailleurs la possibilité de cours en plein air. Ceux qui recherchent un environnement zen et original seront comblés par le SUP yoga, la pratique du yoga sur un surf à pagaie. La session se déroule sur l’eau, au rythme des vagues. Un défi de taille pour les muscles stabilisateurs!
Avant que l’été ne se pointe, le “snowga” permettra peut-être à quelques grincheux d’apprécier la saison hivernale. Marie-Ève Bertrand a remarqué une clientèle bien particulière qui prend part à ses sessions de Yoga Neige: de nouveaux arrivants qui lui confient voir la saison froide sous un autre oeil depuis qu’ils ont pris part à son activité. Et il y a toujours quelques touristes qui se joignent au groupe et qui y trouvent un réel plaisir. Marie-Ève Bertrand confie qu’un bon bain chaud au retour de l’activité est une récompense pleinement méritée, mais rappelle que «l’objectif n’est pas de vivre une expérience extrême. C’est pour se faire du bien!»
À l’âge adulte, c’est rare qu’on se roule dans la neige à moins d’avoir des enfants. Il y a un certain retour en enfance et ça permet de s’approprier la saison. MARIE-ÈVE BERTRAND