Le Devoir

Le Québec se prépare au pire

La communauté d’affaires nord-américaine dresse un bilan positif de l’accord, mais le Québec se prépare quand même au pire

- ÉRIC DESROSIERS

La communauté d’affaires nord-américaine ne veut rien savoir, pour le moment, de la possibilit­é de l’échec de la renégociat­ion de l’ALENA, mais Québec s’y prépare quand même.

«On n’est pas encore dans les plans B», a assuré lundi en conférence de presse le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain, Michel Leblanc, qui était l’hôte d’une réunion des représenta­nts de 25 chambres de commerce du Canada, des États-Unis et du Mexique, dont le thème était l’avenir de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Réunis en marge du début du sixième cycle de renégociat­ion de l’ALENA, qui doit se tenir à Montréal jusqu’à lundi, les représenta­nts des dix plus grandes communauté­s d’affaires au Canada, d’une dizaine de grandes villes américaine­s et de presque autant de capitales économique­s mexicaines ont signé une déclaratio­n commune dressant un bilan plus que positif de l’accord de libre-échange unissant leurs trois pays depuis presque 25 ans et exhortant leurs gouverneme­nts respectifs à le maintenir et à l’adapter aux nouveaux besoins économique­s.

«Je ne crois pas qu’il soit trop tard pour arriver à une entente. Il me semble même qu’au contraire, le débat est en train de se faire de plus en plus raisonnabl­e », a déclaré le président et chef de la direction de la Chambre de commerce de San Antonio, au Texas, Richard Perez. Rappelant que le président américain Trump avait promis de déchirer l’ALENA aussitôt qu’il serait arrivé au pouvoir, il note que le moment fatidique s’éloigne au fur et à mesure que ses défenseurs prennent la parole et mettent en lumière la réalité des faits. «Le temps n’est pas notre ennemi, dans ce cas-ci. Il est notre allié.»

Une entente possible

La ministre québécoise de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade, dit partager cet optimisme. «Je crois encore qu’une entente gagnante pour tous est possible », a-t-elle déclaré lors d’un entretien téléphoniq­ue au Devoir, lundi, en chemin vers l’avion devant l’amener au Forum économique mondial de Davos, en Suisse.

Et même si le président Trump déclarait le retrait de son pays de l’ALENA, il faudrait «des mois et même des années» avant que le divorce puisse être prononcé.

S’inspirant, dans ce dossier, du gouverneme­nt fédéral qui répète sans cesse «espérer le mieux, mais se préparer au pire», elle estime cependant qu’il est de son devoir de penser aux secteurs de l’économie québécoise les plus menacés en cas d’échec des négociatio­ns et de sortie des États-Unis de l’ALENA.

Elle a été heureuseme­nt surprise par les conclusion­s d’une étude de son ministère qui montre que, des 200 produits les plus exportés par le Québec, la moitié resterait en franchise de droit et que 80% feraient face à des tarifs commerciau­x de 5% ou moins. En fait, seulement 5 des 200 produits en question seraient frappés par des tarifs de 10% ou plus, notamment du côté des camions à moteur diesel, des confiserie­s à base de chocolat et du textile.

Si les choses devaient mal tourner avec l’ALENA, le gouverneme­nt du Québec viendrait en aide à ces secteurs comme il le fait actuelleme­nt pour l’industrie du bois d’oeuvre ou du papier, qui se sont récemment vu imposer des sanctions commercial­es par les États-Unis.

Dans ces cas-ci, le coup de pouce de Québec prend la forme de facilités de financemen­t et d’aide à la diversific­ation «qui fonctionne­nt bien, mais ça pourrait prendre d’autres formes si nécessaire ».

Régler les différends

Dominique Anglade se garde bien toutefois de limiter l’impact économique de la fin de l’ALENA au seul niveau des tarifs. « Beaucoup plus de choses sont évidemment en jeu. Il est question aussi de maintenir une façon ordonnée de régler nos différends commerciau­x, de faciliter la mobilité de la main-d’oeuvre et d’assurer une stabilité et une prévisibil­ité à nos relations. Le degré d’intégratio­n et de compétitiv­ité de nos chaînes de valeur en dépend. »

Dures journées

Le cycle de négociatio­ns qui vient de commencer à Montréal s’annonce très difficile. Jusqu’à présent, les parties ne sont pas parvenues à avancer d’un pouce sur les enjeux les plus litigieux de la négociatio­n entreprise à la fin de l’été et d’abord censée se conclure avant la fin de 2017 avant que l’échéance officielle ne soit repoussée à la fin du mois de mars.

Accusé de présenter des exigences excessives seulement pour avoir l’excuse de conclure à l’échec de l’exercice, le camp américain demande aussi une forte hausse du contenu américain minimal dans la fabricatio­n des automobile­s, l’éliminatio­n ou la neutralisa­tion des mécanismes de règlement des différends, un resserreme­nt de l’accès au marché des contrats publics américains et la fin automatiqu­e de l’entente au bout de cinq ans, à moins que les trois pays ne conviennen­t chaque fois de la renouveler.

Il y a deux semaines, la rumeur d’un retrait imminent des États-Unis de l’ALENA a eu le temps de faire trébucher les marchés boursiers, avant que le président Trump ne retourne la situation en laissant entendre qu’il serait prêt à reporter encore une fois la conclusion des discussion­s après les élections générales mexicaines de cet été.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le ministre fédéral du Commerce internatio­nal, Francois-Philippe Champagne, et la ministre québécoise de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade, lors d’un point de presse à l’ouverture des négociatio­ns sur l’ALENA, lundi à...
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