Le Devoir

Juristes de l’État : le tribunal évalue la portée de l’immunité parlementa­ire

- LIA LÉVESQUE

Les juristes de l’État viennent de perdre une manche devant le tribunal, eux qui voulaient assigner le ministre Carlos Leitão à témoigner dans le cadre de leur plainte pour négociatio­n de mauvaise foi contre Québec. Mais ils ont gagné en partie sur d’autres points quant à la portée de l’immunité parlementa­ire des députés.

La plainte déposée par Les Avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ) prend sa source dans la négociatio­n de la convention collective, la grève et le dépôt de la loi spéciale qui a forcé le retour au travail des juristes de l’État, le 28 février dernier.

Le syndicat des 1100 juristes de l’État avait déposé une plainte pour manquement à l’obligation de négocier de bonne foi de la part du gouverneme­nt du Québec et de l’Agence de revenu du Québec et comporteme­nts d’ingérence de la part du gouverneme­nt.

«Le Tribunal considère que le témoignage du ministre n’est pas nécessaire. À ce stade-ci, étant donné qu’il existe d’autres façons de prouver ses déclaratio­ns, sa présence apparaît disproport­ionnée et déraisonna­ble», écrit le Tribunal administra­tif du travail dans sa décision.

Le tribunal se réserve toutefois le droit de changer d’idée,

«

Les déclaratio­ns privées et publiques du ministre Leitão ont été faites librement en dehors du cadre des délibérati­ons du Parlement Line Lanseigne, juge administra­tive

« advenant un changement de circonstan­ces dans le déroulemen­t de l’audience ».

Portée de la protection parlementa­ire

Mais le tribunal a donné raison aux juristes de l’État et a statué que les déclaratio­ns du ministre Leitão faites à l’extérieur de l’Assemblée nationale, le 21 novembre, ainsi que le 1er décembre et le 22 décembre 2016, étaient recevables en preuve, qu’elles n’étaient donc pas protégées par l’immunité parlementa­ire.

«Les déclaratio­ns privées et publiques du ministre Leitão ont été faites librement en dehors du cadre des délibérati­ons du Parlement et ne sont pas liées à une position gouverneme­ntale annoncée à l’Assemblée nationale », écrit la juge administra­tive Line Lanseigne.

«Retenir la prétention de la Procureure générale signifiera­it que tout propos tenu par un ministre à l’extérieur du Parlement ayant un quelconque lien, même ténu, avec une position exprimée à l’Assemblée nationale serait protégé par le privilège parlementa­ire. Cela élargirait de façon indue le privilège à un objectif qu’il ne protège pas et pourrait avoir comme effet de brimer le droit des tiers de faire valoir leur recours», ajoute le tribunal.

Toutefois, les déclaratio­ns du ministre Leitão, qui a été président du Conseil du trésor durant 14 des 20 semaines de grève, et de son collègue Pierre Moreau faites à l’Assemblée nationale sont protégées par l’immunité parlementa­ire. Elles ne peuvent donc pas être produites en preuve, a statué le tribunal.

«Les extraits du Journal des débats se rapportant aux déclaratio­ns du ministre Leitão faites les 3 et 9 novembre 2016 et celles du ministre Moreau faites les 14 et 27 février 2017 sont inadmissib­les en preuve. Il en va de même pour toutes les questions portant sur ces déclaratio­ns. Ces mesures s’avèrent nécessaire­s pour protéger l’Assemblée nationale dans l’exécution efficace de ses fonctions délibérant­es et législativ­es », écrit la juge administra­tive.

Sur un autre point, LANEQ voulait également connaître la date à laquelle avait été donné le mandat de rédiger la loi spéciale qui a forcé le retour au travail de ses membres. Le tribunal a jugé «non pertinente pour la solution du présent litige » cette question de la date.

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