Le Devoir

Les recrues de la CAQ

- mdavid@ledevoir.com MICHEL DAVID

François Legault avait beau vanter les mérites de son « équipe du changement », il était le premier à savoir que la présence de quelques éléments prometteur­s ne suffisait pas à lui donner l’allure d’une «équipe du tonnerre» capable d’inspirer confiance aux électeurs.

Après l’annonce du départ de trois poids lourds du PQ, qui semblait marquer la fin d’une époque, le moment était bien choisi pour commencer à faire entrer en scène ceux qui seront chargés de donner une image de compétence à la CAQ.

Personne ne voyait dans le député de Lévis, François Paradis, un futur ministre de la Santé. L’ancien animateur de télévision est un bon communicat­eur et il a joué son rôle de critique à l’Assemblée nationale de façon adéquate, mais les souliers de Gaétan Barrette sont nettement trop grands pour lui.

Même si le neuropédia­tre Lionel Carmant faisait partie des signataire­s du manifeste de fondation de la CAQ et que sa compétence profession­nelle est reconnue, ce choix n’apparaissa­it pas évident au départ, dans la mesure où l’entourage du chef caquiste estimait que la population en avait assez du monopole sur le ministère de la Santé que les médecins exercent de façon ininterrom­pue depuis 15 ans. Le dernier «civil» à l’avoir dirigé était d’ailleurs M. Legault.

S’il est vrai que les sondages encouragea­nts des derniers mois facilitent le recrutemen­t de candidats de valeur, encore fallait-il trouver quelqu’un capable de donner la réplique à M. Barrette, dont la condescend­ance envers tous ceux qui ne sont pas médecins confine parfois au mépris. Il lui sera plus difficile de traiter un confrère d’ignorant.

De son côté, M. Carmant risque moins d’être impression­né par les arguments d’autorité du ministre. Invité d’honneur au caucus présession­nel de la CAQ à Sainte-Adèle, il a lancé ses premières salves. Sans promettre de faire table rase des réformes de M. Barrette, il estime que ce dernier «n’a pas réussi à faire le travail ».

En le recrutant, M. Legault a fait d’une pierre deux coups. D’origine haïtienne, M. Carmant apporte une caution appréciabl­e à la CAQ, où les néo-Québécois ne sont pas nombreux. Dans une entrevue à La Presse, il s’est dit en accord avec l’interdicti­on du port de signes religieux pour les agents de l’État en situation d’autorité, y compris les enseignant­s, de même qu’avec la baisse des seuils d’immigratio­n que le parti propose.

Trouver un candidat crédible au poste de ministre des Finances était l’autre grande priorité de M. Legault. La CAQ n’avait jamais réussi à remplacer l’ancien député de Lévis, Christian Dubé, qui avait démissionn­é pour accepter un poste de premier vice-président à la Caisse de dépôt à peine quelques mois après sa réélection en 2014.

Pendant un moment M. Legault a vainement caressé l’espoir de le faire revenir en politique, et ses autres tentatives de recruter une personnali­té en vue du milieu des affaires ont également échoué. Il a finalement jeté son dévolu sur le trésorier de la Banque Nationale, Éric Girard, qui avait défendu les couleurs du Parti conservate­ur à l’élection fédérale de 2015. Il n’a aucune expérience parlementa­ire, mais Carlos Leitão a fait la démonstrat­ion que cela n’est pas nécessaire.

Le député de Granby, François Bonnardel, avait pris la relève de Christian Dubé comme porte-parole en matière de finances à l’Assemblée nationale, mais il n’a pas le profil pour occuper le poste de ministre. Si la CAQ est appelée à former le gouverneme­nt, il en sera plutôt le leader parlementa­ire.

En recrutant Lionel Carmant, M. Legault a fait d’une pierre deux coups

S’il est important pour la CAQ de donner des gages de compétence, elle doit aussi se montrer rassurante. Malgré les annonces de réinvestis­sement que multiplie le gouverneme­nt Couillard, les compressio­ns budgétaire­s de la première moitié de son mandat ont laissé des souvenirs trop douloureux pour que la CAQ puisse se présenter devant l’électorat en promettant à nouveau un grand nettoyage.

Manifestem­ent visé par la nouvelle publicité du PQ, qui demande aux Québécois s’ils souhaitent que l’État soit soumis à «un régime minceur austère» ou qu’il se mette au «gym», M. Legault a affirmé que «tous les services qui sont offerts actuelleme­nt continuero­nt de l’être et plus ».

Celui qu’il destine au ministère de la Santé a fait lui aussi une profession de foi bien sentie dans le système public de santé. «L’important, c’est l’universali­té des soins […] Je ne veux pas plus de privé », a assuré M. Carmant.

Il ne reste plus qu’à expliquer comment un gouverneme­nt caquiste pourrait offrir plus de services tout en abaissant substantie­llement les impôts.

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