Le Devoir

La fracture s’accentue

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Comme chaque année à la veille du Sommet économique mondial de Davos, Oxfam publie son état du monde rappelant combien sont profondes les inégalités qui se creusent entre les plus pauvres et les plus riches de la planète.

Oxfam a le tour d’illustrer avec fracas l’existence des inégalités dans le monde. L’an dernier, cette ONG internatio­nale soulignait qu’à eux seuls, les huit hommes les plus riches du palmarès du magazine Forbes, dont Bill Gates, Jeff Bezos et Mark Zuckerberg, détenaient autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. L’année précédente, on titrait que le 1% le plus riche de la planète possédait autant d’avoirs nets que les 99% restants. Cette année encore, le constat fait image: 82% des richesses créées l’année dernière à travers le monde ont été accaparés par le 1% le plus riche, alors que la moitié la plus pauvre de l’humanité n’a rien reçu.

Ce n’est pas un hasard si les organisate­urs du Sommet économique mondial de Davos, qui invitent chaque année des politicien­s, des hommes d’affaires, des intellectu­els et des vedettes du monde entier, reconnaiss­ent l’existence de ces inégalités. Une telle rencontre de 2000 individus parmi les plus riches et les plus puissants se doit d’être accompagné­e de quelques ateliers à connotatio­n sociale pour éviter le scandale. Reconnaiss­ons pourtant que ce n’est pas d’abord pour s’attaquer à la pauvreté que la vaste majorité de cet aréopage passe quelques jours en janvier dans la station de ski transformé­e en forteresse pour l’occasion.

L’an dernier, le président chinois, Xi Jinping, y était pour vanter les mérites de la mondialisa­tion, du moins la sienne. Cette année, c’est au tour de Donald Trump de débarquer pour défendre son «Amérique d’abord». Notre premier ministre, Justin Trudeau, y sera aussi pour inviter les investisse­urs du monde entier à collaborer entre eux et… à venir faire des affaires chez nous.

Car il est d’abord là, l’intérêt de cette grand-messe de Davos: tisser des liens, entretenir ses contacts, faire mousser ses affaires. Le reste est symbolique.

Tant mieux si le symbole est positif, mais l’objectif du message de partage de la richesse se limite à rappeler aux plus ambitieux et aux plus pressés qu’ils risquent de se heurter au mur de la révolte s’ils ne tentent pas au moins de comprendre l’intérêt d’une améliorati­on minimale des conditions de vie des deux tiers de l’humanité.

Comme le souligne Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam Internatio­nal, «il est difficile de trouver des responsabl­es politiques et des chefs d’entreprise qui affirment ne pas s’inquiéter des inégalités. Il est encore plus difficile d’en trouver qui prennent des mesures pour les combattre. »

À titre d’exemple, ces quelques efforts consentis récemment à la lutte contre l’évasion fiscale dont les résultats tangibles restent à peu près nuls. Même un gouverneme­nt comme celui du Parti libéral du Canada se contente de discourir, sans agir. Et que dire de son obstinatio­n à encourager l’invasion des multinatio­nales du Web alors qu’il faudrait, au contraire, tenter d’en tirer le maximum d’avantages pour les Canadiens ?

Loin d’améliorer la situation, la concurrenc­e de plus en plus vive à laquelle se livrent les pays pour attirer des capitaux les amène à réduire les impôts des plus riches et ceux des sociétés aux dépens de la qualité des services essentiels aux citoyens. Sans être tout à fait pessimiste, avouons que le spectacle de Davos laisse peu d’espoir.

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JEAN-ROBERT SANSFAÇON

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