Le Devoir

Les mauvais coupables

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Au lendemain de l’acquitteme­nt de Thomas Harding, Richard Labrie et Jean Demaître, la mairesse de LacMéganti­c, Julie Morin, a bien cerné le malaise suscité par ce procès pour négligence criminelle ayant causé la mort de 47 personnes. «Ce n’est pas juste des hommes qui ont manqué de jugement, c’est le système qui est malade », a-t-elle commenté.

Le dérailleme­nt d’un convoi de pétrole brut de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), le 6 juillet 2013, ne relève pas de la négligence criminelle. Les Harding, Labrie et Demaître constituai­ent des cibles faciles pour les enquêteurs. Le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) a voulu faire sur leur dos le procès de la déréglemen­tation dans le transport ferroviair­e. Celui-ci viendra bien assez tôt, lorsque la MMA ou ce qu’il en reste reviendra en cour pour son procès criminel.

Dans l’intervalle, le DPCP ferait bien de ne pas porter la cause en appel, et de respecter la décision empreinte de sagesse populaire prise par le jury qui a prononcé l’acquitteme­nt des trois employés de la MMA, après neuf journées de délibérati­ons. Certes, le chef du train, Thomas Harding, aurait dû mettre en place davantage de freins sur le convoi, laissé sans surveillan­ce en haut d’une pente. Il en a mis sept, alors qu’un expert de la Couronne a indiqué lors du procès qu’il en fallait le double. Thomas Harding a d’ailleurs l’intention de plaider coupable à des accusation­s pénales portées contre lui en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviair­e.

On ne pouvait cependant pas reprocher à M. Harding et à ses collègues immédiats le caractère vétuste des équipement­s de la MMA, les réparation­s bâclées, l’incendie de la locomotive et la cascade d’événements fortuits qui, additionné­s les uns aux autres, ont mené au dérailleme­nt et à l’explosion du convoi au centre-ville de Lac-Mégantic.

Ils porteront toujours une responsabi­lité morale pour le décès de 47 personnes, mais leur conduite ne correspond­ait pas aux critères complexes de la négligence criminelle, soit d’avoir fait preuve d’un comporteme­nt qui s’éloigne de façon marquée de celui d’une personne dite «raisonnabl­ement prudente».

Un rapport du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur la tragédie de Lac-Mégantic a mis en lumière la culture de négligence en matière de sécurité qui prévalait au sein de la MMA. C’est la véritable cause du drame. Cette culture a pu s’épanouir parce qu’Ottawa a cédé à l’appel des sirènes de la déréglemen­tation dans le transport ferroviair­e.

La Commission d’examen sur la sécurité ferroviair­e, dont le rapport est attendu au printemps, peut corriger le tir. Elle se doit de faire passer la sécurité du public avant les intérêts industriel­s.

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BRIAN MYLES

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