Théâtre Tout le comique des Fourberies de Scapin au TNM
LES FOURBERIES DE SCAPIN Texte de Molière. Mise en scène de Carl Béchard. Une production du TNM présentée jusqu’au 10 février à Montréal, puis en tournée au Québec.
En mettant en scène l’une des dernières pièces écrites par Molière, Carl Béchard embrasse tout le comique des Fourberies de Scapin, jusque dans ses recoins les plus grotesques. Sur les planches du TNM, il orchestre un spectacle au cabotinage festif, tout en laissant entrevoir le côté ténébreux du fameux valet.
Deux fils profitent de l’absence de leurs pères pour se fiancer avec deux jeunes femmes aux statuts plus ou moins convenables. Craignant les réactions de leurs pères avares et autoritaires qui reviennent en ville, les jeunes hommes implorent le secours d’un valet qu’ils savent rusé. Scapin les aide alors à éviter la colère des pères, et à extorquer à ceux-ci l’argent nécessaire pour sceller leurs mariages. Habile, il ne saura toutefois pas les tirer d’affaire sans se mettre lui-même dans l’embarras.
Les manigances se succèdent, et Béchard active la comédie en chaque scène. Il habille la majorité des répliques de jeux comiques, tantôt en faisant ressortir des traits du texte, tantôt en assumant un ton joyeusement cabotin. Les nombreux rebondissements de l’histoire se situent dans le port de Naples, représenté par quatre grandes voiles tendues sur scène. Celles-ci accueillent un joli procédé : l’ombre de délicats mobiles manipulés en direct et les silhouettes de quelques figures découpées y sont projetées.
Le drôle de Benoît Brière en Géronte est irrésistible, et Patrice Coquereau interprète un Argante franchement amusant. En Scapin, André Robitaille réussit à être agile autant dans les manigances que dans la répartie du personnage. Avec un peu de recul, on s’aperçoit toutefois qu’il campe un Scapin porteur d’une certaine gravité, entraperçue par la présence plus posée de l’acteur, et les coups d’oeil à la fois sinistres et enjoués qu’il décoche aux spectateurs.
Ce côté sombre de la figure de Scapin marque l’esprit. Car malgré son statut de «sauveur», n’est-il pas aussi égoïste que les autres personnages de la pièce? Ne consent-il pas à aider ses maîtres uniquement sous les menaces de coups, et non sans préalablement s’assurer vaniteusement que tous le supplient — à genoux! — de les sortir de leur mauvais pas?
La pièce évoque la nécessité de résister aux vilaines autorités, sans pour autant suggérer d’être plus vertueux qu’elles. Elle raconte surtout comment Scapin se débat pour survivre en tant que serviteur et cherche à s’amuser au passage. Durant cette fête jovialiste au comique faste et ponctuée d’enthousiastes chorégraphies de groupe, Les fourberies de Scapin donne aussi à penser au bien et au mal, pour peu qu’on choisisse de réfléchir à ce héros trouble, fourbe. Collaboratrice