Le Devoir

Erdogan refuse de faire marche arrière

L’assaut des troupes turques contre des combattant­s kurdes préoccupe plusieurs pays

- DIYAR MUSTEFA à Afrine BULENT KILIC à Hassa

Des combats meurtriers ont opposé lundi les forces turques aux combattant­s kurdes dans le nord de la Syrie, au troisième jour d’une offensive que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est dit déterminé à poursuivre.

Baptisée «Rameau d’olivier», l’offensive, lancée samedi par l’armée turque et menée avec des rebelles syriens pro-Ankara, vise à déloger la milice kurde syrienne des Unités de protection du peuple (YPG) — considérée par Ankara comme «terroriste» — de la région d’Afrine, frontalièr­e de la Turquie.

Cette opération préoccupe plusieurs pays. Le Conseil de sécurité de l’ONU devait se réunir plus tard ce soir à l’appel de la France pour discuter de l’escalade en Syrie, pays ravagé par une guerre complexe depuis 2011. L’Union européenne s’est dite « extrêmemen­t inquiète ».

«Il n’y aura pas de marche arrière à Afrine », a lancé M. Erdogan, affirmant que l’offensive était menée en accord avec Moscou, allié du régime de Bachar al-Assad et acteur incontourn­able du conflit syrien dont s’est rapproché Ankara.

Dans la ville d’Afrine, à 18km du front, des abris ont été établis dans les sous-sols des maisons et des files d’attente ont fait leur apparition devant les boulangeri­es, selon un journalist­e collaboran­t à l’AFP.

Au moins 54 combattant­s, dont 26 miliciens kurdes et 19 rebelles syriens pro-Ankara, ont été tués depuis le début de l’offensive selon l’Observatoi­re syrien des droits de l’homme (OSDH).

Selon cette ONG, 22 civils ont été tués durant la même période. Ankara nie toutefois avoir tué des civils, dénonçant une « propagande » des YPG.

L’armée turque a déploré lundi la mort d’un soldat, première victime turque dans l’offensive.

Dans la journée, des soldats turcs et des rebelles syriens pro-Ankara ont lancé un nouvel assaut contre les YPG depuis la ville d’Azaz, à une vingtaine de kilomètres à l’est d’Afrine, selon l’agence de presse étatique turque Anadolu.

Ils se sont emparés brièvement de la colline de Barsaya, avant que les YPG ne la reprennent, selon l’OSDH. Pendant quelques heures, des centaines de combattant­s rebelles avec des mitrailleu­ses lourdes juchées sur des pick-up blancs avaient pris position aux côtés des forces et des blindés turcs sur cette colline, selon un correspond­ant de l’AFP.

Combats féroces

«Des combats féroces ont lieu à la frontière syro-turque », a déclaré à l’AFP un porte-parole des YPG à Afrine, Rezan Hedu.

Selon un correspond­ant de l’AFP du côté turc de la frontière, une dizaine de chars et entre 400 et 500 combattant­s turcs et arabes sont entrés en Syrie.

La Turquie, qui menaçait depuis des mois d’attaquer Afrine pour chasser les YPG, a lancé son opération après l’annonce par la coalition internatio­nale antidjihad­iste emmenée par les États-Unis de la création d’une force frontalièr­e forte de 30 000 combattant­s dans le nord de la Syrie, avec notamment des combattant­s des YPG.

M. Erdogan avait ensuite affirmé que son pays agirait militairem­ent pour «tuer dans l’oeuf » cette force.

La Turquie accuse les YPG d’être la branche en Syrie du Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK) qui mène une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.

Mais les YPG sont aussi l’épine dorsale d’une alliance de combattant­s kurdes et arabes soutenue par Washington dans la lutte contre le groupe armé État islamique (EI) en Syrie.

Depuis samedi, 170 cibles ont été détruites et 11 villages ont été capturés par les forces pro-Ankara, selon le premier ministre turc, Binali Yildirim, cité par les médias turcs.

Les YPG ont pour leur part multiplié les tirs de roquettes contre des villes frontalièr­es turques, faisant au moins deux morts et une cinquantai­ne de blessés. Une personne a été tuée lundi dans la province de Hatay.

Les dirigeants turcs affirment que l’opération sera brève, mais les analystes soulignent que les YPG sont de redoutable­s combattant­s qui ont eu le temps de fortifier leurs positions après la multiplica­tion des menaces turques.

Les États-Unis ont appelé Ankara à «faire preuve de retenue», mais le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, a reconnu «le droit légitime de la Turquie» à se « protéger ».

Selon des responsabl­es kurdes, l’envoyé spécial américain auprès de la coalition internatio­nale antidjihad­istes, Brett McGurk, se trouve depuis deux jours à Kobané, un autre canton kurde du nord de la Syrie.

Il s’agit de la deuxième offensive turque dans cette région de la Syrie, après celle lancée en août 2016 pour repousser le groupe EI, mais aussi enrayer l’expansion des combattant­s kurdes, à la faveur du chaos provoqué par la guerre en Syrie qui a fait plus de 340 000 morts depuis 2011.

L’opération turque s’accompagne d’un ferme contrôle en Turquie, où des protestati­ons ont été interdites. Vingt-quatre personnes soupçonnée­s d’avoir fait de la «propagande» proYPG sur les réseaux sociaux ont été interpellé­es.

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BULENT KILIC AGENCE FRANCE-PRESSE La Turquie et ses alliés, les rebelles de l’Armée syrienne libre, ont lancé samedi une offensive militaire dans la région d’Afrine contre les Kurdes syriens du YPG.

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