Le Devoir

L’Union européenne réduit de moitié sa liste noire de paradis fiscaux

- CÉLINE LE PRIOUX à Bruxelles

L’Union européenne (UE) a réduit de moitié mardi sa liste noire des paradis fiscaux, moins de deux mois après l’avoir établie, une décision critiquée par les ONG qui ont réclamé davantage de transparen­ce.

Sur les 17 pays initialeme­nt inscrits sur la liste noire, huit pays (le Panama, la Corée du Sud, les Émirats arabes unis, la Tunisie, la Mongolie, Macao, la Grenade et la Barbade) ont été «retirés après s’être engagés à remédier aux inquiétude­s de l’UE», ont décidé les 28 ministres des Finances de l’Union, lors d’une réunion à Bruxelles.

Cette cure d’amaigrisse­ment, dans les tuyaux depuis plus d’une semaine, a provoqué l’indignatio­n des eurodéputé­s verts et des ONG. «L’UE se dépêche de retirer des pays de sa liste noire sans dire clairement ce qu’ils ont promis d’améliorer, cela sape le processus», a fustigé Aurore Chardonnet, une experte de l’ONG Oxfam.

D’autant plus que les 28 ministres des Finances de l’UE n’ont pas voulu rendre publics les engagement­s donnés par les pays auparavant sur la liste. «Nous ne pouvons pas publier automatiqu­ement les lettres [dans lesquelles les pays ont promis de corriger leur législatio­n fiscale, NDLR]. Ce que nous proposons, c’est d’entrer en contact avec ces territoire­s pour voir s’ils veulent publier leurs engagement­s», a déclaré le ministre bulgare des Finances, Vladislav Goranov, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union pour six mois.

Le commissair­e européen aux Affaires économique­s, Pierre Moscovici, avait pourtant appelé jeudi dernier à une telle transparen­ce. « Il n’est pas possible de travailler en secret sur ces questions», a-t-il répété mardi. Cette demande avait été accueillie favorablem­ent par le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, et son homologue espagnol, Luis de Guindos. «Je ne suis pas hostile à ce qu’il y ait de la transparen­ce sur les engagement­s pris, sur la vérificati­on de ces engagement­s», a dit mardi M. Le Maire.

Désormais, la liste noire de l’UE, adoptée le 5 décembre 2017 — une première dans son histoire —, ne contient plus que 9 pays: Bahreïn, Guam, les Îles Marshall, la Namibie, les Palaos, les Samoa, les Samoa américaine­s, Sainte-Lucie ainsi que Trinité-et-Tobago. L’adoption de cette liste avait été décidée dans le sillage d’une série de scandales d’évasion fiscale — «LuxLeaks», fin 2014, Panama Papers, en avril 2016, et Paradise Papers, en novembre 2017.

Les huit pays retirés de la liste noire passent sur une liste grise de pays ayant pris des engagement­s de bonne conduite en matière fiscale et qui feront l’objet d’un suivi. D’ici la fin de l’année, il sera décidé s’ils retournent sur la liste noire ou s’ils quittent la liste grise. Cette dernière, qui comprenait 47 pays, en compte désormais 55, avec les huit nouveaux venus. Pierre Moscovici a appelé à «rester vigilants pour que les 55 territoire­s de la “liste grise” passent de la parole aux actes».

De leur côté, le Panama et la Tunisie se sont félicités d’être sortis de la liste noire. «Notre engagement est d’assurer les plus hauts standards en matière de transparen­ce financière», a promis Juan Carlos Varela, président du Panama. «Grâce à un travail important de dialogue […] et à une forte mobilisati­on du gouverneme­nt, on est arrivés à dépasser ce quiproquo, cet accident de parcours dans notre relation [avec l’UE] et c’est une très bonne chose», a affirmé le secrétaire d’État tunisien au Commerce extérieur, Hichem Ben Ahmed.

L’eurodéputé­e verte Eva Joly et Oxfam ont regretté que certains pays européens ne puissent figurer sur la liste noire, affirmant que «l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas ou Malte ne remplissen­t même pas les critères de l’UE». La semaine passée, M. Moscovici avait qualifié ces pays de «trous noirs fiscaux» sans pour autant plaider pour qu’ils figurent sur la liste noire.

La Commission européenne compte par ailleurs «continuer à examiner les contre-mesures et sanctions les plus pertinente­s sur le plan communauta­ire» pour les pays «blacklisté­s».

 ?? EMMANUEL DUNAND AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Des militants d’Oxfam ont manifesté à Bruxelles, le 5 décembre dernier, quand l’Union européenne a adopté la première mouture de la liste.
EMMANUEL DUNAND AGENCE FRANCE-PRESSE Des militants d’Oxfam ont manifesté à Bruxelles, le 5 décembre dernier, quand l’Union européenne a adopté la première mouture de la liste.

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