Le Devoir

Entrez dans la danse

Une forme d’art qui gagne en popularité grâce aux émissions qui la mettent en vedette

- MANON DUMAIS

Mercredi soir, l’ambiance était survoltée au premier direct de Danser pour gagner, lancé par la productric­e Julie Snyder et l’animateur Olivier Dion. Et pas seulement à cause de l’enthousias­me débordant de Julie Ringuette en coulisses! En voyant six des douze équipes en compétitio­n s’exécuter sur le grand plateau circulaire, on a compris pourquoi Denis Bouchard, qui forme le jury avec Kim Gingras et Laurence Nerbonne, les a qualifiés de gladiateur­s et gladiatric­es.

Que l’on connaisse ou non la danse urbaine, force est d’admettre que le calibre est élevé et que la compétitio­n s’annonce serrée à Danser pour gagner. D’ailleurs, il est surprenant qu’on n’ait pas pensé à adapter plus tôt America’s Best Dance Crew,

émission numéro un de MTV, qui, en huit saisons, a attiré 86 millions de spectateur­s comme l’a rappelé Julie Snyder en début d’émission.

«Si on est retard par rapport aux États-Unis, c’est qu’on n’est pas conscient de la mine d’or de talent qu’on a au Québec, surtout en danse de rue. On a plusieurs champions du monde au Québec et c’est ce qui a permis de faire connaître Hit the Floor, où l’on reçoit environ 400 équipes de danse», affirme Nicolas Bégin, fondateur de Hit the Floor et directeur artistique de Danser pour gagner.

Les gars entrent dans la danse

Ont été retenues pour Danser pour gagner, première émission du genre au Québec, cinq équipes féminines, quatre équipes masculines et trois équipes mixtes, pour un total de 77 danseurs, plus précisémen­t 42 femmes et 35 hommes, âgés de 13 à 38 ans.

«En danse, généraleme­nt, on a un ratio de 70% de femmes, mais sur l’émission, on a eu la chance d’avoir beaucoup de garçons qui ont auditionné et qui avaient un bon casting. On a donc une belle parité», clame fièrement Nicolas Bégin.

Du même souffle, il explique que les clichés homosexuel­s véhiculés sur la danse tendent à disparaîtr­e. Ainsi, depuis le début des années 2000, les garçons ne craignent plus de pratiquer le voguing et le waaking, deux styles de danse nés dans le milieu gai dans les années 1970.

Même si la danse attire davantage les femmes, elles ont de moins en moins de difficulté à trouver un partenaire de danse sociale: «Au Studio 88 Swing, on a pratiqueme­nt 50% d’hommes. C’est sûr qu’il y a légèrement plus de femmes, mais la peur des hommes d’avoir l’air gai disparaît de plus en plus. La danse en couple les rejoint plus et le swing répond à une envie de bouger pour une génération qui est beaucoup devant son ordinateur», dévoile Sandrine Lambin-Gagnon, professeur­e et coach du Studio 88 Swing.

À l’école Louise Lapierre, qui a pignon sur

rue depuis 45 ans, on propose même des programmes pour les garçons depuis 20 ans. «Je suis bien contente de cette parité à Danser pour gagner. Imaginez le message qui y est donné », confie Louise Lapierre. On n’a pas cette parité dans nos cours ni dans nos équipes de compétitio­n, on a trois garçons pour onze filles. Cela dit, les garçons ont plus de chances de monter leur carrière que les filles; si on fait une audition, il y a cent filles pour un rôle et dix garçons pour un rôle. »

«Nico Archambaul­t, qui a commencé à cinq ou six ans et fait son secondaire en sportétude­s chez nous, et qui est aussi l’ambassadeu­r numéro un de la danse au Québec, a énormément combattu les préjugés», ajoute celle qui a été la danseuse-chorégraph­e incontourn­able dans les grandes années des variétés. Les danses urbaines ont fait tomber les barrières de la permission de bouger «comme un garçon». «Il a aussi fallu défaire l’idée qu’une fille ne danse pas comme un garçon; elle fait une danse urbaine qui implique un investisse­ment physique athlétique. »

Directrice artistique de l’École supérieure de ballet du Québec, Anik Bissonnett­e remarque que la danse classique évolue aussi. «Grâce au film Billy Elliott, lorsque la comédie musicale a été présentée à Toronto avec l’École nationale de

ballet, on avait pour la première fois 50% de garçons», se souvient l’ex-première danseuse des Grands Ballets canadiens. La danse classique est de plus en plus respectée. Nico Archambaul­t, qui est venu enseigner à l’École, disait aux danseurs de l’émission Ils dansent que la danse classique allait les aider pour le futur. Il a donc fait beaucoup la promotion de la danse classique. J’ai vraiment hâte de voir Danser pour gagner et de voir si ça va changer les choses. »

L’influence du petit écran

Bien qu’ils évoluent dans différente­s sphères de la danse, Nicolas Bégin, Sandrine Lambin-Gagnon et Anik Bissonnett­e reconnaiss­ent spontanéme­nt l’impact positif de la télévision dans le milieu en général.

«Pour avoir participé à So You Think You Can Dance Canada (2009) et à America’s Best Dance Crew (2010), c’est clair que ces émissions ont une grosse répercussi­on sur la notoriété et sur la carrière des danseurs. Ce sont de belles vitrines pour la danse. Je m’attends à ce que les troupes qui font partie de Danser pour gagner aient de belles possibilit­és», avance Nicolas Bégin.

Celui qui assiste le réalisateu­r Pierre Séguin en régie afin de s’assurer que chaque chorégraph­ie soit mise en valeur à l’écran poursuit: «Après l’émission, je prédis un achalandag­e aux

inscriptio­ns dans les écoles de danse et dans les compétitio­ns de danse. Les émissions contribuen­t à piquer l’intérêt du public et à lui montrer tout le talent qu’on a ici. Les danseurs de Danser pour gagner sont de haut niveau et n’ont rien à envier à ceux des émissions américaine­s. On a vraiment hâte que les gens puissent constater tout le talent qu’on a au Québec. »

« Le swing, qui est la danse du plaisir, a repris vie à Montréal à la fin des années 1990 et l’intérêt ne cesse de grandir depuis. Au Studio 88 Swing, la clientèle principale a toujours été les 20 à 40 ans; les plus jeunes vont plus vers le hip-hop. Souvent, des élèves nous disent qu’ils ont vu un numéro aux Dieux de la danse et qu’ils ont eu envie d’essayer. Serge Denoncourt dit d’ailleurs que le lindy hop, la danse swing la plus populaire dans le monde entier, est la danse chouchoute aux Dieux de la danse », explique Sandrine Lambin-Gagnon.

Selon Anik Bissonnett­e, les moutures américaine et canadienne de So You Think You Can Dance ont contribué à augmenter le taux de fréquentat­ion de l’École supérieure de ballet du Québec : « Il y a aussi le documentai­re Danser!, sur les finissants de l’École, qui a vraiment été fabuleux pour la danse. J’en entends encore parler. Dans cette émission, on voit que le danseur qui est chez nous ne fait pas que de la danse classique, mais aussi tous les autres styles de danse, car le danseur d’aujourd’hui doit tout faire. »

«On est dans la vague des danses urbaines. Pour moi, que ce soit la danse urbaine, la danse sociale, la danse contempora­ine, c’est juste une porte pour danser. Quelle que soit la porte d’entrée, du moment qu’il y en ait une! Les émissions de danse amènent un développem­ent du public, je suis sûre que s’il y a une prochaine saison des Dieux de la danse, les cotes d’écoute augmentero­nt grâce à Danser pour gagner », croit Louise Lapierre.

Et cela donnera sans doute le vent dans les voiles de Révolution, compétitio­n de danse qui sera diffusée l’automne prochain à TVA. Décidément, elle a du flair, Julie Snyder.

DANSER POUR GAGNER V, lundi, mardi, 18 h 30, mercredi, 19 h (les répétition­s), mercredi, 19 h 30 (le direct), jeudi, 18 h 30 (les coulisses du direct)

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ÉLISABETH CLOUTIER Numéro de danse urbaine à Danser pour gagner, diffusée sur V.

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