Le Devoir

Des services de garde gratuits pour les moins nantis

La propositio­n péquiste profiterai­t aux familles aisées et à faible revenu, selon le fiscaliste Luc Godbout

- MARIE-MICHÈLE SIOUI à Shawinigan

Le Parti québécois (PQ) a promis jeudi de rendre les services de garde gratuits pour les familles les moins bien nanties, mais il a omis de fournir les chiffres précis illustrant la manière d’y arriver.

Le parti de Jean-François Lisée s’était engagé en mars à instaurer un tarif de 7,30$ par jour en garderie, peu importe le salaire des parents. Il revient à la charge, dix mois plus tard, en proposant un montant unique de 8,05$ par jour, indexable en fonction de l’augmentati­on du revenu des ménages.

Le parti s’engage à réduire le tarif de garde à 4$ pour un deuxième enfant et à 0$ pour un troisième, et ce, même si les enfants ne sont pas tous à la garderie en même temps.

La gratuité de l’accès aux centres de la petite enfance (CPE) et aux garderies subvention­nées est aussi proposée aux familles dont les revenus sont inférieurs à 34 000$. De zéro, le PQ propose de faire augmenter le montant graduellem­ent, jusqu’à ce qu’il atteigne un maximum de 8,05$, applicable aux ménages dont les revenus sont supérieurs à 60 000 $.

«On ne sait pas comment la transforma­tion entre le 0$ et le 8$ va se faire, donc c’est difficile de se prononcer sur la mesure», a remarqué le fiscaliste de l’Université de Sherbrooke Luc Godbout. «On manque de détails. »

Le PQ estime que l’introducti­on de sa nouvelle grille tarifaire coûterait 320 millions, mais ce montant exclut les sommes qui devraient être dégagées pour créer de nouvelles places en CPE.

Ses calculs sont aussi basés sur un déplacemen­t espéré d’enfants en garderie non subvention­née vers les CPE. Les péquistes font le pari que ce mouvement leur permettrai­t d’économiser des centaines de millions, puisque les crédits d’impôt remis aux parents dont les enfants fréquenten­t les garderies non subvention­nées diminuerai­ent. «Ce crédit d’impôt va réduire considérab­lement. Est-ce que ce sera de 100, de 150 millions ou de 200 millions? Ça va dépendre de la popularité de la mesure », a déclaré Jean-François Lisée.

Le PQ mise aussi sur l’espoir que le gouverneme­nt fédéral transfère à Québec les sommes qu’il octroie actuelleme­nt aux familles, par le biais du crédit d’impôt pour les frais de garde.

«Il va y avoir, on peut le prévoir, un transfert vers des services subvention­nés […] donc l’ampleur du crédit d’impôt va être moins importante, y compris pour le fédéral. C’est pour ça qu’on pense qu’on va être en très bonne position pour négocier avec eux», a fait valoir la députée Véronique Hivon.

Fin de la «taxe famille»

Quand le gouverneme­nt Couillard a introduit la modulation des tarifs de garde, en 2014, il a établi une contributi­on de base, à laquelle s’ajoute un montant que les parents doivent payer au surplus, lors de leur déclaratio­n d’impôt. Le PQ entend désormais se priver de cette somme, qu’il qualifie de « taxe famille ».

En 2016, cette contributi­on correspond­ant à la ligne 434 de la déclaratio­n de revenus des particulie­rs a permis au gouverneme­nt libéral de mettre la main sur 130 millions de dollars. Elle lui a rapporté 108 millions l’année précédente. «Pour tous ceux de la classe moyenne qui ont vu ce Boeing 434 entrer dans leur budget familial: il ne reviendra pas», a attesté le chef Lisée en qualifiant sa propositio­n de «mesure de réparation».

Dans le modèle actuel, le tarif en garderie peut atteindre 20 $ par enfant, par jour, pour les familles les plus aisées. La propositio­n péquiste serait donc surtout profitable aux familles se situant à chacune des extrémités de l’échelle des revenus, a souligné Luc Godbout.

Quant aux autres, «on n’a pas assez d’informatio­ns pour voir si le changement aurait des effets positifs», a ajouté le fiscaliste.

Le PQ estime que l’introducti­on de sa nouvelle grille tarifaire coûterait 320 millions

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