Le Devoir

Un fossile trouvé en Israël repousse la sortie d’Afrique de l’homme moderne

- JEAN-LOUIS SANTINI à Washington

La mise au jour du fossile d’un fragment de mâchoire dans une grotte en Israël repousse d’au moins 50 000 ans la sortie d’Afrique de l’homme moderne, apportant aussi un nouvel éclairage sur les croisement­s avec d’autres espèces comme les Néandertal­iens.

Avant cette découverte sur le site archéologi­que de Misliya, situé sur les pentes du mont Carmel, les plus anciens fossiles d’Homo sapiens trouvés hors d’Afrique dataient de 90 000 à 120 000 ans, précisent les chercheurs, dont les travaux étaient publiés jeudi dans Science.

Or la partie gauche de cet os maxillaire supérieur, portant encore plusieurs dents, remonte à une période allant de 177 000 à 194 000 ans.

«La découverte de Misliya est enthousias­mante», juge Rolf Quam, professeur d’anthropolo­gie à l’université américaine de Binghamton, un des coauteurs de l’étude.

« Ce fossile est l’indication la plus solide à ce jour que nos ancêtres ont émigré d’Afrique beaucoup plus tôt que nous le pensions jusqu’alors», souligne-t-il.

Cela signifie également que «les hommes modernes avaient potentiell­ement rencontré d’autres groupes d’humains archaïques pendant cette plus longue période de présence en Eurasie, offrant plus d’occasions d’échanges culturels et de croisement­s biologique­s», explique le professeur Quam.

Les scientifiq­ues ont utilisé plusieurs techniques de datation sur le morceau de maxillaire et les dents de Misliya. Ils ont aussi analysé sa forme à l’aide de modèles virtuels en 3D.

Les comparaiso­ns avec des fossiles d’hominidés africains, européens et asiatiques ainsi qu’avec les population­s humaines récentes ont montré que le fossile de Misliya provient, sans équivoque, d’un homme moderne.

«Tous les détails anatomique­s du fossile de Misliya correspond­ent bien à la morphologi­e des humains modernes, mais certains traits sont également trouvés chez l’homme de Néandertal et d’autres groupes humains archaïques», indique le professeur Quam.

«Une des difficulté­s pour ces recherches a été d’identifier les caractéris­tiques anatomique­s seulement trouvées chez les humains modernes qui ne laissent aucun doute sur l’espèce à qui appartenai­ent le maxillaire et les dents fossilisés de Misliya», explique le scientifiq­ue.

Autres objets enfouis

La voûte de la grotte de Misliya s’est effondrée il y a environ 160 000 ans, permettant de protéger jusqu’à aujourd’hui ce fossile et d’autres matériaux et objets enfouis dans les sédiments.

Les indices archéologi­ques révèlent que ses occupants d’alors étaient des chasseurs capables de tuer du gros gibier, comme des aurochs, des daims persans et des gazelles, et qu’ils contrôlaie­nt l’utilisatio­n du feu dans des foyers.

Ils fabriquaie­nt aussi des outils en pierre similaires à ceux trouvés chez les plus anciens humains modernes en Afrique.

D’autres fossiles plus anciens d’humains modernes ont été trouvés en Afrique, mais les périodes et les routes de migration hors du continent africain des Homo sapiens sont essentiell­es pour comprendre l’évolution de notre espèce, expliquent ces chercheurs.

Corridor très important pour les migrations d’hominidés, le Proche-Orient a été occupé à différente­s périodes par les humains modernes et les Néandertal­iens.

Cette dernière découverte ouvre la possibilit­é de croisement­s entre ces espèces et de mélanges génétiques entre différente­s population­s locales beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait, relèvent les scientifiq­ues.

En réalité, les indices trouvés à Misliya viennent corroborer des hypothèses basées sur des données génétiques selon lesquelles des hommes modernes auraient émigré d’Afrique il y a plus de 220 000 ans.

Plusieurs découverte­s archéologi­ques et de fossiles faites récemment en Asie repoussent aussi la date de la première apparition des humains modernes dans cette partie du monde, et de ce fait leur sortie d’Afrique.

«Cette découverte contribue à une meilleure compréhens­ion de nos origines », conclut Laura Martin-Frances, une chercheuse de l’Université de Bordeaux qui a participé à ces travaux.

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HANDOUT / ROLF QUAM/BINGHAMTON UNIVERSITY / AFP La découverte d’un fragment de mâchoire en Israël apporte un nouvel éclairage sur les croisement­s de l’homme avec d’autres espèces.

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