Le Devoir

Les tours cellulaire­s de Charlevoix font des jaloux

Ottawa débloque 15 millions pour établir une couverture numérique sur la région en vue de la réunion du G7

- ISABELLE PORTER à Québec

Alors qu’Ottawa se prépare à faire installer des tours cellulaire­s dans Charlevoix en vue du G7, des régions comme la Gaspésie et le Saguenay– Lac-Saint-Jean attendent depuis des années qu’on leur offre le service dans certains secteurs.

«C’est sûr qu’on trouve ça très injuste», dénonce Ghislaine Hudon, mairesse de LacBouchet­te, une municipali­té de 1300 habitants située entre La Tuque et le Lac-Saint-Jean. «On l’a demandée, la couverture cellulaire, nous aussi. »

Récemment, le gouverneme­nt de Justin Trudeau annonçait qu’il allait débloquer 15 millions de dollars pour offrir un service cellulaire fiable dans Charlevoix. Le contrat donné à Bell desservira la principale autoroute de la région (la 138), celle qui longe le fleuve entre Baie-Saint-Paul et Tadoussac, et la route 170 entre Saint-Siméon et Saguenay.

Pour Mme Hudon, c’est deux poids, deux mesures. «Chez nous, l’argent ne finit pas par débloquer et là-bas, il a suffi d’un claquement de doigts pour faire débloquer les fonds», note-t-elle.

Interpellé là-dessus jeudi, le ministre Jean-Yves Duclos a rétorqué qu’il faut «continuer à travailler très fort pour que ces segments soient couverts aussi par d’autres mécanismes que l’organisati­on d’un G7, évidemment». Il a souligné en outre que les communicat­ions par Internet et par cellulaire constituai­ent «la base du développem­ent des régions».

En attendant, Lac-Bouchette a décidé de s’en charger ellemême, a expliqué au Devoir la mairesse Ghislaine Hudon. «On avait une tour du Canadien National dans le village et ils étaient prêts à la louer. J’ai contacté les compagnies de cellulaire­s pour les convaincre que ça pouvait être rentable d’offrir le service.»

Dans son jeu de cartes, Mme Hudon a l’Ermitage SaintAntoi­ne, une attraction touristiqu­e très prisée des catholique­s qui attire des dizaines de milliers de personnes chaque été. Bell a donc finalement accepté, «mais ça a pris trois ans ».

L’autoroute 155

Or l’argument des touristes ne fonctionne pas partout. Non loin de là, une bonne partie de l’autoroute qui relie la région à la Mauricie n’est toujours pas desservie. «Les fournisseu­rs nous disent que ce n’est pas rentable dans le secteur. Nous, on ne parle pas de rentabilit­é, on parle de sécurité », explique Dany Morin, qui a créé un groupe citoyen pour attirer l’attention des politicien­s, le groupe «Le réseau cellulaire partout, pour tous».

En août dernier, Québec et Ottawa ont investi 26 millions pour desservir en fibre optique la portion de la route qui relie Chambord à Shawinigan. Or la section plus au nord demeure problémati­que. Ainsi, on est passé de 150 kilomètres sans signal à une cinquantai­ne

Et ce n’est pas tout, car cet isolement touche plusieurs autres secteurs au Saguenay– Lac-Saint-Jean, souligne le député péquiste Alexandre Cloutier. «Je me réjouis pour les gens de la région de Charlevoix. Mais je me désole de la lenteur avec laquelle on procède dans la région. »

Ailleurs, comme en Gaspésie, des villages tels que Cascapédia–Saint-Jules ou SaintAlpho­nse sont complèteme­nt dépour vus de signal.

«Chez la nouvelle génération, plus personne n’a de téléphone au mur », note Éric Dubé, préfet de Bonaventur­e et maire de New Richmond. « On a des problèmes démographi­ques. On n’a pas le choix si on veut attirer du monde.»

À propos de Charlevoix, il dit qu’il est «content pour eux autres ». « J’espère juste que ça ne nous prendra pas le G7 pour être couverts un jour.»

Dans la MRC d’Avignon en Gaspésie, c’est la même chose. «Il n’y a aucune couverture cellulaire sur une distance de 30 à 40 kilomètres», explique le préfet Guy Gallant. «On a eu un gros accident avant Noël. Ça a pris 55 minutes avant qu’il y ait une interventi­on.» Pour appeler le 911, des témoins ont en effet dû rouler loin du site de l’accident afin d’obtenir un signal.

Quel pourcentag­e du territoire est desservi par le cellulaire? Difficile à dire, expliquait récemment au Devoir le président sortant de la FQM, Richard Lehoux.

«Il y a des problèmes partout. Dans ma municipali­té, en Beauce, je suis à 35 minutes de la tête des ponts de Québec et j’ai quand même des problèmes de couverture dans certains secteurs. Ces dernières années, le fédéral a beaucoup déréglemen­té dans le domaine des télécommun­ications. On s’est assurés de desservir les secteurs où c’est le plus rentable. Quand ça l’est moins, on ne se rend pas.»

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Les représenta­nts des sept plus grandes puissances industrial­isées ont rendez-vous au Manoir Richelieu, à La Malbaie dans Charlevoix, en juin prochain.

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