Le Devoir

Affirmatio­n et relations canadienne­s : une véritable cause

- JEAN-MARC FOURNIER Ministre responsabl­e des Relations canadienne­s et de la Francophon­ie canadienne

À la suite de l’éditorial de Robert Dutrisac du lundi 22 janvier 2018.

Votre récent éditorial m’incite à quelques commentair­es. D’abord, je vous donne raison sur l’évolution de nos rapports fédératifs depuis Meech. En effet, Québec et Ottawa ont convenu d’une entente essentiell­e en matière d’immigratio­n. Il est également vrai que le gouverneme­nt fédéral a «tempéré ses ardeurs» dans l’utilisatio­n du pouvoir de dépenser. Il faut toutefois continuer à insister.

Cela dit, l’asymétrie est aussi mieux comprise et démontre son utilité à permettre le partage d’objectifs communs tout en respectant les moyens d’action élaborés par le Québec pour atteindre ses aspiration­s collective­s. Par ailleurs, la Cour suprême a reconnu, à plusieurs reprises, le caractère distinct du Québec et elle interprète la Constituti­on en conséquenc­e.

Ces avancées se sont réalisées une fois le «couteau sur la gorge» remisé. Je ne dis pas qu’il ne faille pas être tenace et insistant, mais je m’étonne que vous persistiez comme ardent défenseur d’une stratégie «armée» de menaces de séparation. C’est plutôt de compréhens­ion mutuelle que nous avons besoin.

Selon vous, affirmer la nation québécoise et promouvoir le progrès de nos relations canadienne­s ne constituen­t pas une «véritable cause». Je suis d’opinion contraire… totalement contraire !

D’abord, les Québécois ressentent une allégeance profonde au Québec. Mais 75% d’entre eux, et encore davantage chez les plus jeunes, partagent aussi une appartenan­ce canadienne. Une façon d’exprimer ces appartenan­ces plurielles peut se résumer ainsi: «Québécois, notre façon d’être Canadiens».

Vouloir favoriser, au Canada, la reconnaiss­ance des appartenan­ces collective­s particuliè­res, notamment celles du Québec et des nations autochtone­s, contribue au renforceme­nt d’une appartenan­ce commune canadienne.

Partager l’ambition d’une fédération qui fait une meilleure place à la diversité collective et qui reconnaît les appartenan­ces plurielles sert la cause de notre vivre-ensemble canadien et peut même être un début de réponse aux défis de notre monde du XXIe siècle tenté par l’isolationn­isme et le repli identitair­e.

La nation québécoise, inclusive et plurielle, sera toujours différente et bien particuliè­re au Canada. Cela ne signifie pas que nous ne sommes que deux solitudes. Les liens entre les Québécois et les autres Canadiens témoignent de nombreuses solidarité­s qu’il faut cesser de taire. C’est à l’avantage de tous qu’on peut les faire connaître et les faire prospérer, dans le respect des différence­s.

La présence de Steven Guilbeault auprès de la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, lors d’une annonce environnem­entale, en est un exemple. Nous échangeons plus de biens, chaque année, avec le Nouveau-Brunswick qu’avec la France, et plus avec l’Ontario qu’avec l’Union européenne entière. Voilà d’autres exemples.

Vouloir affirmer notre allégeance québécoise et notre appartenan­ce canadienne correspond au désir d’une majorité de Québécois. Vouloir permettre le progrès économique, social et culturel de notre société et améliorer le vivre-ensemble, voilà une « véritable cause ».

Nous n’avons pas à choisir entre être Québécois ou être Canadiens. Nous pouvons… nous voulons être les deux.

Nous sommes Québécois, et c’est notre façon d’être Canadiens.

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