La conclusion du PTP ne fait qu’isoler un peu plus les États-Unis
Le président Trump s’est distancé encore un peu plus cette semaine des efforts en vue d’une mondialisation économique négociée et ordonnée.
On croyait le projet mort et enterré après que Donald Trump, ses valises pas encore défaites à la Maison-Blanche, eut rayé la signature de son pays au bas de l’accord de Partenariat transpacifique. Après tout, comment l’entente à 12 pays aurait-elle pu survivre au départ du partenaire qui comptait à lui seul presque pour les deux tiers du nouveau bloc économique de 28 000 milliards par année? Surtout si ce partenaire se trouve à être justement le grand architecte de l’ordre commercial international de l’après-guerre et la principale puissance régionale. Mais voilà, les 11 pays restants en ont décidé autrement et sont parvenus, en une petite année seulement, à rafistoler leur projet commun et ont annoncé de nouveau cette semaine leurs fiançailles.
L’entente n’a pas tellement changé depuis sa première mouture. Ses signataires ont quand même profité du départ des États-Unis pour en suspendre quelques dispositions qui les dérangeaient et qui avaient été imposées par les Américains, en matière notamment de durée des brevets et de protection de certains types de médicaments. Le Canada a négocié avec le Japon une entente particulière dans le domaine de l’auto et une exception culturelle avec tous les pays. D’autres pays sont aussi allés chercher des assouplissements.
On a présenté l’entente comme l’un des plus modernes et des plus progressistes du genre en raison notamment du caractère contraignant de ses chapitres sur la protection de l’environnement et sur la promotion de normes minimales du travail. On a même allongé le nom de l’accord pour marquer le coup. Il faudra parler désormais du Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, pour le plus grand malheur des dyslexiques et journalistes qui cherchent à garder leurs phrases pas trop longues.
Pensée à l’origine comme une façon d’établir dans la région une première série de normes commerciales plus élevées avant que ne le fasse elle-même l’autre grande puissance économique régionale, la Chine, l’entente a été conçue pour pouvoir accueillir facilement d’autres membres. La Corée du Sud, l’Indonésie, les Philippines et même le Royaume-Uni (sic) ont déjà montré de l’intérêt.
Pendant ce temps, au ranch
Comme pour marquer un peu plus encore leurs distances à l’égard du libre-échange dans la région, les États-Unis ont annoncé le même jour la mise en place d’une batterie de nouvelles sanctions commerciales contre les importations chinoises de panneaux solaires et de machines à laver. La mesure causera des dommages collatéraux en Corée du Sud, au Mexique, au Canada et dans l’Union européenne. Mais aussi chez les consommateurs américains ainsi que dans l’industrie américaine de l’installation de panneaux solaires, l’un des secteurs qui ont connu la plus forte croissance ces dernières années aux États-Unis et qui y emploie déjà 260 000 travailleurs. Et l’on ne parle pas des représailles commerciales des pays visés qui ne manqueront pas de venir. Et ce n’est pas fini, a prévenu le gouvernement Trump, qui promet bientôt d’autres sanctions du même genre, notamment contre les importations d’acier et d’aluminium.
L’imposition de sanctions commerciales contre quiconque est accusé de pratiques commerciales déloyales par une entreprise américaine constitue le premier axe de la stratégie commerciale du président Trump. Durant les 11 premiers mois de son mandat, son administration avait déjà ouvert 86 enquêtes à ce chapitre, soit une hausse de 46% par rapport à l’année précédente et un sommet en 16 ans.
Un autre axe de la nouvelle stratégie américaine consiste à remettre systématiquement en cause les accords déjà signés, constatait jeudi le Wall Street Journal. Dans certains cas, comme pour le PTP, on a simplement jeté le traité à la poubelle. Dans d’autres cas, comme pour l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), mais aussi le traité de libre-échange États-Unis–Corée, le gouvernement Trump a forcé leur réouverture en brandissant la menace que ces ententes iraient rejoindre les autres dans le broyeur si les États-Unis n’obtenaient pas les changements et concessions exigés.
Le troisième axe est de s’en prendre à l’institution internationale multilatérale par excellence en matière de commerce, soit l’Organisation mondiale du commerce, que les États-Unis ont pourtant largement contribué à construire. Déjà, on craint que son tribunal d’appel soit bientôt bloqué à cause du refus de Washington de permettre la nomination de nouveaux juges pour remplacer ceux qui sont arrivés à la fin de leur mandat. Lundi, les murs feutrés du siège de l’OMC, à Genève, ont eu de la difficulté à contenir les échos d’un débat houleux sur une proposition présentée par le Mexique et appuyée par une soixantaine de membres, dont le Canada, la Chine et l’Union européenne, pressant les États-Unis de mettre un terme à leur guerre d’usure.
Le dernier mot de cette folle semaine reviendra à Donald Trump vendredi, avec son discours en tombée de rideau du Forum économique mondial à Davos. Jeudi, il n’a rien fait pour clarifier la situation. Il s’est d’abord dit prêt à revenir dans le PTP, avant de qualifier sa nouvelle version «d’horrible». Quant à l’ALENA, dont la sixième ronde de renégociation s’est tenue toute la semaine à Montréal et qui se conclura lundi, il a répété qu’il le trouvait pour le moment «mauvais», avant d’ajouter: «Je peux mettre un terme à l’ALENA… Ou pas. Nous verrons.»
Un axe de la nouvelle stratégie américaine consiste à remettre systématiquement en cause les accords déjà signés