La défense accuse l’UPAC d’avoir fait un « show médiatique »
Les «patrons» de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) ont précipité les arrestations des ex-ministres libéraux Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté et de leurs coaccusés afin qu’elles aient lieu le 17 mars 2016, le jour même du dépôt du budget du Québec.
Voilà ce que révèle une déclaration d’un «enquêteur important» de l’UPAC qui a été déposée en preuve vendredi, lors des plaidoiries visant à faire avorter le procès pour fraude, complot et corruption, sous le prétexte de délais déraisonnables.
«[On] m’informe vers le 12 mars que j’ai encore un mois pour préparer les arrestations», a écrit cet enquêteur, dont l’identité est protégée, dans une déclaration ayant servi à une enquête de la Sûreté du Québec sur les fuites médiatiques.
Deux jours plus tard, le policier apprend de la part de «ses patrons» que les arrestations «doivent se faire» le vendredi 18 mars. Cette date est ensuite avancée à nouveau, et elle coïncide avec la journée du dépôt du budget du Québec, le 17 mars.
«C’est clair que si on veut faire un show médiatique, choisir une telle date, ça a un impact. N’importe quel journaliste pourrait vous le dire», a fait valoir François Roussy, un ex-attaché politique péquiste qui se représente dans l’affaire.
La poursuite «pas prête»
Son argumentaire est venu appuyer celui de la défense, qui prétend que l’UPAC s’est empressée de mener les arrestations, même si la poursuite n’était « pas prête ».
Pendant une bonne partie de la semaine, les avocats des coaccusés ont tenté de démontrer que la Couronne n’a pas agi avec célérité et a causé des délais qui justifient l’arrêt des procédures, en vertu de l’arrêt Jordan. «Il y a quelqu’un qui a décidé d’aller beaucoup plus rapidement que ce qui était prévu», a déclaré François Roussy.
«On ne sait pas pour quelles intentions, mais c’est certain que ce n’était pas dans l’intérêt d’une saine gestion de l’administration du système de justice », a-t-il avancé.
L’UPAC a dû se défendre à plusieurs reprises depuis deux ans d’avoir arrêté Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté, Bruno Lortie, Mario Martel, France Michaud, François Roussy et Ernest Murray la journée du dépôt du budget du Québec.
«Quand les enquêtes aboutissent, on va de l’avant sans attendre. Notre ligne d’action est complètement indépendante de celle du gouvernement. Le reste, ça a été un hasard», avait notamment déclaré le patron de l’unité policière, Robert Lafrenière, quelques jours après les arrestations.
À l’époque, des articles de journaux avaient fait état de l’impatience des enquêteurs de l’UPAC, qui souhaitaient voir les enquêtes aboutir. Le commissaire Lafrenière avait remercié la population pour sa patience et déclaré avoir en main une «preuve béton».
Les débats concernant la requête de type Jordan sont désormais terminés. Le juge André Perreault, de la Cour du Québec, doit rendre une décision dans les prochaines semaines.
Fuites médiatiques
Les avocats de l’Assemblée nationale et de la Couronne se sont par ailleurs entendus, à la toute dernière minute, sur une manière de procéder qui permettra d’éviter le débat sur l’immunité parlementaire qui s’était invité dans le procès Normandeau.
Les deux parties ont convenu de caviarder les documents qui doivent être remis à la défense pour prouver que la poursuite a bel et bien pris les fuites médiatiques au sérieux — en lançant une enquête sur la divulgation d’information qui a notamment mené à l’arrestation du député Guy Ouellette.
Ces discussions font écho à une seconde requête en arrêt de procédures, dans laquelle la défense tente de démontrer qu’un système de fuites médiatiques justifie l’annulation du procès des coaccusés, qui doit s’ouvrir le 9 avril.