Le Devoir

Les cégeps, facteur d’accessibil­ité à l’enseigneme­nt supérieur

- LUCIE PICHÉ Présidente de la Fédération des enseignant­es et enseignant­s de cégep (FEC-CSQ)

La Fédération des enseignant­es et enseignant­s de cégep (FEC-CSQ) considère que l’existence des établissem­ents collégiaux n’explique en rien la différence de diplomatio­n universita­ire entre le Québec et l’Ontario, bien au contraire. La FEC-CSQ réagit ainsi à l’article publié le 24 janvier dernier dans Le Devoir. Intitulé, «Baccalauré­at: le Québec accuse du retard sur le ROC», le texte fait référence à une étude réalisée par le CIRANO et publiée dans un ouvrage collectif au titre évocateur de la vision mercantile de l’éducation mise en avant, soit Le Québec économique. Éducation et capital humain.

Il semble tout d’abord inexact d’affirmer que le Québec est en retard sur le ROC. Seul l’Ontario semble faire un tout petit mieux que le Québec si on prend en considérat­ion l’ensemble du postsecond­aire selon des données de Statistiqu­e Canada. Pour effectuer une comparaiso­n plus légitime de la diplomatio­n, il aurait fallu également intégrer les titulaires de diplômes d’études préunivers­itaires, techniques et profession­nelles. En faisant cet exercice, l’économiste Pierre Fortin a d’ailleurs démontré un «effet cégep» positif sur l’accès aux études supérieure­s. Cette démarche classe en effet le Québec en tête de liste.

De nombreuses autres études ont mis en évidence les facteurs qui déterminen­t l’accès aux études postsecond­aires et à la diplomatio­n. Les auteurs associés au CIRANO ne semblent pas, quant à eux, les avoir pris suffisamme­nt en considérat­ion. Par exemple, le niveau d’éducation et de revenu des parents et la proximité d’un établissem­ent collégial ou universita­ire sont primordiau­x. Ce n’est donc peut-être pas l’Ontario qui fait mieux, mais davantage les caractéris­tiques de la société et des jeunes qui y étudient qui favorisent cette réussite. La province est en effet plus riche, plus urbanisée et accueille de très nombreux étudiants des autres provinces (notamment du Québec) ou issus de l’immigratio­n. L’importance de bien catégorise­r la population étudiée nous apparaît donc primordial­e.

L’Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA) a d’ailleurs publié une analyse qui effectuait cet exercice. «La proportion de détenteurs de grade universita­ire est, à toutes fins utiles, la même dans les deux population­s historique­s majoritair­es», concluait la recherche, qui comparait notamment les parcours scolaires des francophon­es du Québec à ceux des anglophone­s de l’Ontario.

Par contre, et il faut le mentionner, là où l’Ontario fait mieux, comme le démontrait un récent rapport du Conseil supérieur de l’éducation, c’est au niveau de ses politiques éducatives plus égalitaire­s en amont des études postsecond­aires. Moins de ségrégatio­n scolaire et moins de subvention­s aux écoles privées permettent à davantage d’élèves de réussir, notamment pour ceux issus des milieux moins bien nantis. Dans l’ouvrage auquel les auteurs ont participé, il est plutôt question du succès des écoles privées…

Bien qu’il reste des progrès à faire au Québec concernant l’accès aux études postsecond­aires, notamment pour les francophon­es et l’enseigneme­nt en français, ce n’est pas en attaquant une nouvelle fois les cégeps que nous les ferons. Il s’agirait plutôt de soutenir encore davantage ces établissem­ents qui font leurs preuves depuis 50 et de s’attaquer à certaines causes profondes qui affectent les parcours des jeunes du Québec, notamment la ségrégatio­n scolaire au secondaire, le manque de ressources d’un réseau public malmené et, plus globalemen­t, la faiblesse des revenus d’un nombre non négligeabl­e de ménages.

Il faut s’attaquer à certaines causes profondes qui affectent les parcours des jeunes du Québec

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