Le Devoir

Remettre les pendules à l’heure à propos du PQ

- MARC ANDRÉ BODET Professeur agrégé en science politique à l’Université Laval Membre du Groupe de recherche sur le fonctionne­ment de la démocratie

Depuis un certain temps, il est de bon ton d’annoncer la mort du Parti québécois. Des chercheurs en sciences sociales s’y sont mis, tout comme de nombreux commentate­urs de la scène politique québécoise. Tout y passe. Le PQ serait une machine brisée, organisée autour d’un projet dépassé avec des électeurs qui se meurent cartes de membre à la main. Je m’inscris en faux contre cette position. Passons en revue trois assertions populaires et problémati­ques.

Premièreme­nt, on entend que le Parti québécois serait une machine brisée sur le point de disparaîtr­e. Il est vrai que les récents sondages sont assez mauvais. Même si la qualité des méthodolog­ies est dans certains cas très discutable, la tendance est claire. Il y a décroissan­ce des appuis au PQ depuis plusieurs mois. Par contre, il ne faut pas oublier que ce n’est pas la première fois dans l’histoire récente du Québec qu’un parti aux ambitions gouverneme­ntales (laissons Québec solidaire de côté pour le moment) oscille autour des 20% d’appuis. En fait, la Coalition avenir Québec s’est retrouvée à plusieurs reprises dans cette situation depuis sa création. Et elle a rebondi. QS perd ou gagne plus ou moins la moitié de ses appuis d’un sondage à l’autre. Le Parti libéral obtient des scores qui auraient donné des cauchemars à Robert Bourassa ou même à Jean Charest. En fait, on assiste, tant au provincial qu’au fédéral, à une instabilit­é électorale depuis le tournant du millénaire. C’est au tour du PQ de subir les foudres de l’électorat. C’est une épreuve, certes, mais ce n’est pas une condamnati­on.

Deuxièmeme­nt, on dit que le Parti québécois serait organisé autour d’un projet dépassé. On fait alors référence à l’option indépendan­tiste, mais aussi au positionne­ment idéologiqu­e du parti. Il est encore une fois juste de dire que l’appui au projet indépendan­tiste est à son plus bas depuis longtemps. Il demeure toutefois que plus du tiers des Québécois sont toujours indépendan­tistes et que plus ou moins les deux tiers sont nationalis­tes sous une forme ou une autre. De plus, le projet socialdémo­crate du PQ le place dans une position avantageus­e entre un QS radicaleme­nt à gauche et une bousculade à droite entre le PLQ et la CAQ. Un véritable boulevard s’ouvre. Le PQ est à la bonne place pour attirer un électorat nationalis­te et de centre gauche très nombreux, notamment dans la grande couronne de Montréal mais aussi ailleurs.

Des défis réels

Troisièmem­ent, on raconte que les électeurs péquistes et les membres du parti seraient littéralem­ent en train de mourir de vieillesse. Certains ont même fait des prédiction­s hasardeuse­s en nous proposant une date de péremption à partir de postulats pour le moins fragiles. Dans les faits, le PQ fait encore très bien chez les plus jeunes (francophon­es). Moins bien qu’avant, certes, mais très bien tout de même. Et disons-le clairement, si une baisse des appuis parmi les jeunes cohortes signifiait la mort d’un parti, l’état des appuis envers le PLQ au début des années 1980 nous aurait permis de prédire sa fin au tournant du millénaire. On se serait évidemment trompé. On affirme également que l’effectif du PQ serait très vieux. Il y a en effet, en proportion, moins de jeunes que de personnes plus âgées parmi les membres en règle du PQ. Mais la taille de son effectif est sans comparaiso­n avec le nombre d’adhérents au PLQ (en véritable chute libre) et ceux presque confidenti­els de la CAQ et de QS. En nombre absolu, les jeunes sont toujours au PQ, dernier vrai parti de militance au Québec.

Il ne s’agit pas ici de faire preuve de jovialisme. Le Parti québécois fait face à des défis réels. Il s’agit plutôt de déconstrui­re un discours dominant qui ne tient tout simplement pas la route. Le désir de beaucoup de Québécois de trouver une solution de rechange au PLQ sortant joue actuelleme­nt en faveur de la CAQ. Mais il y a un électorat nationalis­te et social-démocrate à reconquéri­r qui ne se retrouve ni au PLQ, ni à la CAQ, et certaineme­nt pas à QS. Rien n’est joué.

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? En nombre absolu, les jeunes sont toujours au Parti québécois, écrit Marc André Bodet.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR En nombre absolu, les jeunes sont toujours au Parti québécois, écrit Marc André Bodet.

Newspapers in French

Newspapers from Canada